Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 31.1 Autre scientifique

La dermatophytose ou teigne du chat

Publié 05/05/2021

Ecrit par Amelia G. White

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Română , Español , English , 한국어 et Українська

La dermatophytose ou teigne est une infection dermatologique fongique courante chez le chat. Amelia White explique pourquoi elle doit être diagnostiquée et traitée le plus tôt possible.

Multifocal areas of alopecia and crusting on the dorsal nasal bridge and rostral muzzle of a kitten with M. canis infection

Points clés

La dermatophytose est une infection fongique superficielle courante chez les chats, qui est à la fois contagieuse et zoonotique.


La dermatophytose est une affection autolimitante, mais un traitement est toujours recommandé pour éviter la contamination de l’environnement et la contagion (congénères ou personnes).


Le diagnostic est facile en associant un test PCR, la lampe de Wood, un trichogramme et une culture fongique. 


Le traitement vise à tuer les organismes fongiques et à réduire la contamination de l’environnement grâce à des traitements systémiques et topiques. 


 

Introduction

Les dermatoses fongiques sont fréquentes en médecine vétérinaire et la dermatophytose représente l’une des plus fréquentes causes de folliculite superficielle infectieuse chez le chat. Les dermatophytes sont des organismes attirés par la kératine : ils envahissent la peau et les tiges pilaires, entraînant des signes cliniques de folliculite. L’espèce de dermatophyte la plus courante chez le chat est Microsporum canis, et le chat sert de réservoir. 

La dermatophytose est à la fois contagieuse et zoonotique, c’est pourquoi un diagnostic et un traitement rapides permettront d’éviter la contamination de l’environnement et la propagation de la maladie ; cela est particulièrement important dans les foyers multi-possesseurs, les chatteries et les refuges. Les moyens classiques de diagnostic (incluant la lampe de Wood, le trichogramme et la culture fongique) restent largement utilisés, et la PCR est un outil utile pour réduire la durée du traitement et accélérer la résolution clinique. Bien que la maladie soit autolimitante, un traitement est recommandé pour prévenir la propagation de l’infection.
 

 

Prévalence et prédispositions

Bien que la dermatophytose soit reconnue comme une dermatose fongique courante chez les chats, sa prévalence réelle est inconnue 1. La maladie est présente dans le monde entier et les recherches mettent en évidence plusieurs éléments associés à des cultures fongiques positives : chats vivant dans un environnement chaud, en groupe, en liberté, individus jeunes, immunodéficience ou présence de lésions cutanées 1 2 3. Aucune prédisposition n’est connue bien que des données indiquent une surreprésentation des Persans, en particulier pour la forme sous-cutanée de dermatophytose (mycétome ou pseudo-mycétome) 1 4

Pathogénie

La plupart des dermatophytes sont des agents pathogènes opportunistes qui envahissent l’organisme en cas de défaillance du système immunitaire inné de l’hôte. Celui-ci peut être défini comme la partie non spécialisée du système immunitaire, non liée à une sensibilisation antigénique antérieure : par exemple, la barrière cutanée, la température, le pH et les peptides antimicrobiens. Le système immunitaire inné comprend des cellules (par exemple, les cellules tueuses naturelles, les macrophages et les neutrophiles) qui reconnaissent certaines régions des agents pathogènes (connues sous le nom de « pathogen-associated molecular patterns » ou PAMP) et déclenchent la réponse immunitaire. 

Les dermatophytes envahissent les couches superficielles de la peau, les tiges et les follicules pilaires, ainsi que les griffes. Ils infectent rapidement l’hôte en contournant les défenses immunitaires innées grâce à la production de protéases fongiques (par exemple, les fongalysines, les lipases, la céramidase, les adhésines) qui favorisent la pénétration dans les tissus kératinisés 5 6 7. Les arthrospores libérées dans l’environnement à partir de la peau, des poils et des griffes des chats infectés constituent les éléments infectieux du cycle pathogène. Ces arthrospores infectieuses se développent lorsque des hyphes fongiques se fragmentent et entrent en contact, directement ou indirectement (via les tondeuses, brosses, litière, etc.), avec un nouvel hôte. L’infection se développe dans les heures suivant l’exposition. Une fois sur la peau, les arthrospores créent des tubes germinatifs qui pénètrent dans le stratum corneum et les poils 5. L’invasion fongique se produit plus facilement chez les animaux dont la peau présente des microtraumatismes (par exemple, des lésions liées à une allergie, un traumatisme dû à une lame de tondeuse…), des ectoparasites et une humidité élevée 7. Les signes cliniques de l’infection se développent 2 à 4 semaines après l’exposition mais les chats infectés disséminent des spores infectieuses avant le stade clinique 8. Les poils infectés et les spores restent viables dans l’environnement pendant 12 à 18 mois mais sont rarement source de réinfection 1

En présence d’hyphes dermatophytiques et d’arthrospores, la réponse immunitaire de l’hôte se traduit par l’action des neutrophiles, des macrophages et la libération de cytokines, et elle peut conduire à la résolution spontanée de l’infection en quelques semaines à quelques mois. L’infection persistera, en revanche, chez les chats dont le système immunitaire est affaibli pour des raisons diverses : altération de la barrière cutanée due à un traumatisme physique, opération chirurgicale, mauvaises conditions de vie, maladie sous-jacente (par exemple : dermatite allergique, endocrinopathie, néoplasie) et traitement immunosuppresseur (par exemple : stéroïdes, chimiothérapie).

Aspects cliniques

Les dermatophytes ont besoin de kératine pour survivre, c’est pourquoi les lésions se produisent dans les zones cutanées les plus kératinisées : l’épiderme, les follicules pileux et les griffes. La folliculite est caractéristique de l’infection et les lésions cliniques incluent des papules, des pustules, de l’alopécie, des poils cassés, des squames, des croûtes, des bouchons folliculaires (bouchons de kératine) et une hyperpigmentation de la peau (Figures 1-3). Les griffes infectées se déforment et se fragilisent. En général, le prurit est absent. Les chats présentant des formes sous-cutanées de la maladie peuvent présenter des nodules dermiques profonds et sous-cutanés, avec développement de fistules et d’ulcères et avec un exsudat purulent. Comme lors de la plupart des dermatoses infectieuses, les lésions cliniques sont réparties de façon asymétrique sur le corps ; elles peuvent être isolées ou multifocales. La sévérité de la présentation clinique dépend généralement de la réponse immunitaire du chat à l’infection. 
 

 

 

Multifocal areas of alopecia, erythema, hyperpigmentation, scaling and crusting on an adult female spayed domestic shorthaired cat with M. canis infection

Figure 1a. Alopécie multifocale, érythème, hyperpigmentation, desquamation et croûtes sur un chat adulte femelle stérilisé à poil court infecté par M. canis. © Amelia White

Multifocal areas of alopecia, erythema, hyperpigmentation, scaling and crusting on an adult female spayed domestic shorthaired cat with M. canis infection

Figure 1b. Alopécie multifocale, érythème, hyperpigmentation, desquamation et croûtes sur un chat adulte femelle stérilisé à poil court infecté par M. canis. © Amelia White

Multifocal areas of alopecia and crusting on the dorsal nasal bridge and rostral muzzle of a kitten with M. canis infection

Figure 2. Alopécie multifocale et croûtes sur le chanfrein et le menton d’un chaton atteint d’une infection à M. canis. © Amelia White

 

 

A well-demarcated, focal area of alopecia and minor scaling on the right lateral stifle on the same kitten

Figure 3. Alopécie focale bien circonscrite et petites croûtes à l’extérieur du grasset droit du même chaton. © Amelia White

 

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel chez le chat consiste essentiellement à exclure la folliculite superficielle, due à une infection par Staphylococcus spp. ou Demodex spp., ainsi que la dermatite allergique et le complexe granulome éosinophilique félin. Plus rarement, on peut observer une alopécie psychogène, une défluxion en phase anagène/télogène, un pemphigus foliacé, une pseudo-pelade, une dermatite exfoliative associée à un thymome ou un lymphome cutané.

Les formes nodulaires de la maladie peuvent ressembler à d’autres infections bactériennes opportunistes (par exemple, Mycobacteria spp., Nocardia spp.) ou fongiques (par exemple, phaéohyphomycose, hyalohyphomycose, zygomycose) opportunistes, à une néoplasie ou à une panniculite nodulaire stérile.

Diagnostic

Chez de nombreux chats, le diagnostic n’intervient pas avant des jours ou des semaines après l’infection, parce que les lésions sont cachées dans le pelage ou parce que la dermatophytose a été confondue avec une autre dermatose d’aspect similaire comme la pyodermite (dermatite bactérienne) ou la dermatite allergique. Tout retard de diagnostic augmente le risque de contamination de l’environnement et de propagation au sein de la population féline, canine et humaine. Un diagnostic rapide est essentiel pour éliminer l’infection le plus rapidement possible. Se baser uniquement sur les lésions cliniques entraîne un surdiagnostic de dermatophytose, de sorte que des examens complémentaires sont nécessaires. De nombreuses techniques diagnostiques sont disponibles, mais leur fiabilité varie ; il est cependant généralement possible de diagnostiquer l’infection avec précision en associant plusieurs tests. 

La partie la plus importante du diagnostic consiste à confirmer la présence de l’infection dès l’apparition des signes cliniques et l’absence d’infection à la fin du traitement 1. Diagnostiquer une dermatophytose avec certitude est important pour savoir quels chats traiter, isoler et tester à nouveau. La confirmation de l’absence d’infection permet de réintroduire les animaux dans leur milieu sans risque de propager l’infection. Choisir les tests appropriés pour répondre à ces questions est important pour diagnostiquer et traiter la dermatophytose de manière fiable.

Commémoratifs

Les clients peuvent fournir des informations utiles quant à la présence de lésions cutanées suspectes chez d’autres animaux ou chez des personnes en contact avec l’animal. Si ces données peuvent faire suspecter une dermatophytose, elles ne suffisent pas pour diagnostiquer l’affection. 

Lampe de Wood

La plupart des isolats de M. canis apparaissent vert fluorescent à la lumière ultraviolette, qui met en évidence la réaction chimique se produisant entre le dermatophyte et un métabolite chimique hydrosoluble, la ptéridine, située dans le poil 1 9 (Figure 4). Des données suggèrent que 91 à 100 % des chats spontanément infectés sont fluorescents avant le début du traitement antifongique, mais ce pourcentage peut tomber entre 39 et 53 % après le traitement 1. Lorsque vous examinez le chat, assurez-vous que le poil brille en regardant à travers une loupe à une distance de 2 à 4 cm de la peau. Rappelez-vous que plusieurs éléments peuvent induire un résultat faussement positif : des médicaments, des bactéries, des squames/croûtes, des savons, des hydrocarbures, des fibres de tissu (…) mais la coloration verte caractéristique ne sera alors pas présente. L’absence de fluorescence n’exclut pas la dermatophytose, donc cette méthode seule est insuffisante pour établir le diagnostic ; il est important d’effectuer aussi un test PCR ou une culture fongique pour confirmer l’espèce de dermatophyte en cause. L’examen à la lampe de Wood est utile au diagnostic mais il l’est également pour le choix du prélèvement de poils adéquat pour la mise en culture.

« Dermatophyte test medium » (DTM)

Les DTM sont des géloses fongiques spécialement destinées à cultiver les dermatophytes ; elles contiennent des agents antibactériens et antifongiques qui inhibent la contamination, ainsi que du rouge phénol, un indicateur de pH qui provoque une décoloration rouge lorsque les dermatophytes se développent et libèrent des métabolites alcalins. Les DTM doivent être examinés quotidiennement pour détecter la croissance de colonies et le changement de couleur. Une étude a montré que les DTM sont aussi fiables que les résultats des cultures fongiques en laboratoire à condition de (i) suivre les instructions de stockage et d’incubation du fabricant et (ii) d’observer la croissance des colonies au microscope pour repérer les structures fongiques de reproduction (macroconidies et microconidies) 10. Un changement de couleur faussement positif est possible, c’est pourquoi il est important de procéder à une évaluation cytologique de toutes les colonies en croissance afin d’identifier les espèces présentes. La culture est négative si aucune croissance ne se produit dans les 14 jours 11 ; des résultats faussement négatifs peuvent cependant se produire si des poils non infectés sont prélevés, si l’échantillon est petit, si le stockage et l’incubation sont mal faits ou si la culture est envahie par des contaminants bactériens ou fongiques 1

Les échantillons de peau et de poils seront prélevés à la pince, en utilisant une brosse à dents ou un ruban adhésif. Il faut inclure le bord des lésions en prélevant la peau et les poils, en utilisant la lampe de Wood pour repérer et sélectionner les poils fluorescents. Utilisez une brosse à dents stérile pour brosser le dessus et les marges des lésions, ou brossez le chat en entier si aucune lésion clinique n’est évidente. Brossez pendant deux à trois minutes en effectuant une vingtaine de passages ou jusqu’à ce que suffisamment de poils soient recueillis sur la brosse 1 12. La technique la moins utilisée consiste à utiliser un ruban adhésif que l’on presse sur les lésions cutanées et qui sera ensuite appliqué directement sur le milieu de culture fongique 13

En général, la réponse au traitement et la guérison mycologique seront contrôlées par mise en culture. Les recommandations actuelles préconisent d’associer l’observation des lésions cutanées, l’examen à la lampe de Wood et le comptage des colonies (UFC/plaque) sur la culture. La réponse positive au traitement doit s’accompagner d’une diminution du nombre d’UFC/plaque et la guérison clinique sera avérée après deux à trois cultures fongiques négatives 1

Test PCR des dermatophytes

La PCR est une technique sensible et rapide pour identifier l’ADN fongique dans la peau et les poils 14 15. Le test ne prouve pas que les champignons sont viables puisqu’il révèle simplement la présence d’ADN. Un résultat PCR positif doit donc être couplé à une culture sur DTM avant de confirmer la présence de dermatophytes vivants, surtout si le chat ne présente pas de lésions. Un résultat PCR positif peut en effet aussi bien signifier que l’infection est active, qu’elle est résolue ou que le pelage est contaminé (vecteur passif). À l’inverse, un résultat PCR négatif peut indiquer l’absence d’infection ou être dû à un prélèvement mal fait 1. L’analyse PCR des dermatophytes présente l’avantage d’être rapide, abordable, facilement réalisée et sensible (c’est-à-dire qu’elle détecte une petite quantité d’ADN dans un échantillon réduit). Le test PCR est surtout indiqué pour établir rapidement un diagnostic de dermatophytose tandis que les cultures sur DTM sont plus fiables pour surveiller la réponse au traitement au cas où la PCR resterait positive 14 15 16 17 18. Une PCR négative chez un chat traité est compatible avec une guérison mycologique 1

Cytologie cutanée

L’impression directe et la cytologie sur bande d’acétate révéleront les neutrophiles et certains macrophages lorsque la coloration est appropriée. De temps en temps, des arthrospores fongiques sont repérées chez des animaux fortement infectés. L’aspiration à l’aiguille fine des nodules dermiques dus à une dermatophytose révélera une inflammation pyogranulomateuse et, parfois, des hyphes ou des arthrospores fongiques.

Dermoscopie

Un dermoscope spécialisé grossit la peau et les poils pour évaluer les changements externes chez les chats atteints de dermatophytose. Les changements typiquement observés comprennent des poils opaques, légèrement incurvés, cassés et épaissis (en forme de virgule), et une peau porteuse de croûtes brun-jaunâtre 19

Trichogramme
L’évaluation microscopique des poils fluorescents ou lésionnels permet d’identifier les hyphes fongiques dans les tiges pilaires et l’accumulation d’arthrospores le long ou à l’intérieur de ces tiges (Figure 5). Prélevez les poils suspects, raclez la peau alopécique, placez-les dans de l’huile minérale sur une lame de verre, appliquez une lamelle de protection et observez en grossissant de 100 à 400 fois. Une étude a montré qu’en associant l’épilation et le raclage cutané, une identification positive était établie chez 87,5 % des chats infectés 20.

 

Green-colored fluorescence of infected hairs of the neck (a) and paw (b) using a Wood’s lamp

Figure 4a. Fluorescence verte émanant des poils infectés sur le cou éclairés à la lampe de Wood.© Amelia White

Green-colored fluorescence of infected hairs of the neck (a) and paw (b) using a Wood’s lamp

Figure 4b. Fluorescence verte émanant des poils infectés sur les coussinets éclairés à la lampe de Wood. © Amelia White

Trichogram of hairs plucked from an area of alopecia and crusting from a cat with dermatophytosis. Notice the fungal hyphae within the hair shafts and fungal arthrospores along the outside of the hair shafts – x100 magnification

Figure 5a. Trichogramme de poils prélevés dans une zone d’alopécie et de croûtes d’un chat atteint de dermatophytose. Remarquez les hyphes fongiques à l’intérieur des tiges pilaires et les arthrospores fongiques à l’extérieur des tiges pilaires ; grossissement x 100.  © Amelia White

Trichogram of hairs plucked from an area of alopecia and crusting from a cat with dermatophytosis. Notice the fungal hyphae within the hair shafts and fungal arthrospores along the outside of the hair shafts – x400 magnification

Figure 5b. Trichogramme de poils prélevés dans une zone d’alopécie et de croûtes d’un chat atteint de dermatophytose. Remarquez les hyphes fongiques à l’intérieur des tiges pilaires et les arthrospores fongiques à l’extérieur des tiges pilaires ;grossissement x 400. © Amelia White

Amelia White

Lors du diagnostic d’une dermatophytose, le plus important est de confirmer la présence de l’infection dès les premiers signes cliniques et l’absence d’infection à la fin du traitement.

Amelia White

 

Culture fongique de tissu macéré et histopathologie
Les dermatophytes provoquent rarement des lésions nodulaires profondes. Ces lésions sont appelées pseudo-mycétomes ou mycétomes, et elles contiennent généralement très peu d’éléments fongiques, de sorte que l’histopathologie peut ne pas révéler de traces fongiques dans les tissus, même avec des révélateurs spécialisés tels que l’acide périodique de Schiff (PAS) ou la méthénamine d’argent de Grocott (GMS). Si des éléments dermatophytiques sont visibles à l’histopathologie, une culture ou un test PCR seront nécessaires pour déterminer l’espèce fongique en cause. Il est important de se rappeler que, dans le cas d’un pseudo-mycétome, même la culture tissulaire peut donner un résultat faussement négatif 4 21

Traitement et prévention

En présence de lésions, d’une culture ou d’un test PCR positifs, le traitement du chat est recommandé afin de limiter la contamination de l’environnement et la propagation de la maladie. Le traitement peut être topique ou systémique mais il est généralement recommandé d’isoler l’animal atteint pendant le traitement. La meilleure prévention consiste à traiter les facteurs prédisposants et à décontaminer l’environnement. Isolez les chats infectés dans des pièces faciles à désinfecter, à l’écart des chats sains. Les chats sont sensibles au stress lorsqu’ils sont isolés, surtout s’ils sont complètement seuls, et cela peut exacerber la maladie ; un consensus clinique suggère donc de limiter le plus possible la durée du confinement 1. Cependant, la guérison sera obtenue en un temps très variable ; selon l’influence de divers facteurs (état de santé général, âge, stress environnemental, observance du traitement, etc.), il faudra en général attendre quelques semaines à quelques mois. Les poils infectés et les spores sont une source de réinfection pour le chat, et peuvent parfois aussi contaminer d’autres animaux domestiques ou des personnes de l’entourage 2 22. Aspirer et éliminer fréquemment (au moins deux fois par semaine) le contenu de l’aspirateur aide à éliminer les poils, les croûtes et les squames de l’environnement. Parmi les mesures de décontamination de l’environnement efficaces, il faut citer le lavage des tissus et des paniers, le nettoyage à la vapeur et l’utilisation de lingettes, de peroxyde d’hydrogène accéléré, d’eau de Javel et d’énilconazole pour la désinfection. Il n’est pas recommandé de faire des cultures à partir de l’environnement d’un animal infecté car celui-ci est en général contaminé.

Traitements topiques

Le traitement topique est important pour réduire la quantité d’éléments infectieux rejetés par le chat : il élimine physiquement les poils, les squames et les croûtes infectés, et agit comme un agent fongicide. Les options comprennent : un shampooing au lime sulfur ou à l’énilconazole sans rinçage, des formulations à base de miconazole, cétoconazole ou climbazole, l’utilisation de terbinafine, d’huiles essentielles topiques ou de produits contenant du peroxyde d’hydrogène accéléré. Cependant, tous ces produits ne sont pas efficaces. Lors de dermatophytose généralisée, le consensus clinique recommande des applications bihebdomadaires de lime sulfur, d’énilconazole ou d’un shampooing au miconazole ou à la chlorhexidine ; l’application de clotrimazole, miconazole ou d’énilconazole, en association avec d’autres traitements, est indiquée lors d’affection localisée 1

Les traitements topiques sont présentés sous diverses formes : lotions, shampooings, sprays, mousses, crèmes, onguents… Certaines études suggèrent que la tonte améliore l’efficacité du traitement topique et réduit le risque de contamination de l’environnement ; elle peut cependant aussi augmenter le stress du chat et faciliter la propagation de l’infection par des microtraumatismes cutanés 1. De nombreux facteurs permettront de savoir si le traitement topique est la meilleure voie de traitement et quelle formulation utiliser, notamment : la tolérance du patient, le pelage, l’observance du propriétaire, les caractéristiques des lésions cutanées et du produit de traitement. Les topiques ont l’avantage d’éviter les effets secondaires des médicaments systémiques, ils sont donc utilisables en toute sécurité chez presque tous les chats, même chez les sujets jeunes, âgés ou malades. Un traitement antifongique topique peut être utilisé comme thérapie d’appoint lors de dermatophytose sous-cutanée mais à elle seule, elle ne suffit pas.

Traitements systémiques

L’objectif du traitement systémique est d’inhiber la prolifération de l’infection fongique sur les poils et la peau de l’animal infecté, afin de réduire le risque d’extension lésionnelle sur l’ensemble du corps, de contamination de l’environnement et de contagion à d’autres animaux et aux personnes. Les options thérapeutiques systémiques comprennent l’itraconazole, le kétoconazole, le fluconazole, la terbinafine et la griséofulvine 1. Le consensus actuel porte sur l’utilisation de l’itraconazole ou de la terbinafine en raison de leur sécurité d’emploi et de leur grande efficacité ; le kétoconazole et le fluconazole sont considérés comme moins efficaces 1. La griséofulvine est efficace mais peut entraîner des effets indésirables plus graves que l’itraconazole et la terbinafine. Le lufénuron n’est pas un traitement efficace et les vaccins fongiques ne sont probablement utiles qu’en tant que thérapie d’appoint 1

L’itraconazole est un triazole à large spectre d’activité. Il inhibe la formation d’ergostérol dans la membrane des cellules fongiques en inhibant l’enzyme cytochrome P450 du champignon, la 14α-déméthylase. L’itraconazole est considéré comme fongistatique à faible dose et fongicide à forte dose. Il est hautement lipophile et se concentre dans la peau et le sébum à des concentrations dix fois supérieures à celles du plasma. Pour traiter une dermatophytose féline, la dose recommandée est de 5 à 10 mg PO q24h avec l’aliment. Des études menées chez le chat montrent qu’un traitement hebdomadaire par semaine en alternance (5 mg/kg PO q24h, une semaine sur deux) entraîne l’augmentation cumulative de la concentration du médicament dans les poils au-delà de la concentration minimale inhibitrice (CMI) pour M. canis (0,1 µg/mL), sur une période de 35 jours 23. Dans ces conditions, la répétition du traitement pendant cinq semaines a permis de guérir 97,5 % des chats infectés en neuf semaines 24. Les prémélanges, bien que moins chers, ne sont ni fiables, ni recommandés chez le chat. Des effets secondaires peuvent apparaître mais sont moins fréquents qu’avec les autres azoles et triazoles ; ils comprennent des troubles digestifs, une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques et une hépatotoxicité.

La terbinafine est une allylamine synthétique à large spectre d’activité. Elle inhibe l’enzyme liée à la membrane fongique, la squalène époxydase, empêchant ainsi la conversion du lanostérol en ergostérol. Par rapport à l’itraconazole, la terbinafine a une CMI très faible pour M. canis (0,002-0,25 µg/mL). Elle se concentre fortement dans les poils des chats : des doses allant de 10 à 40 mg/kg PO q24h sont associées à des concentrations du médicament dans les poils allant de 0,47 à 9,6 µg/g. Dans une étude, la concentration du médicament a été maintenue dans les follicules pileux des chats pendant 56 jours après l’achèvement d’un traitement de 2 semaines de terbinafine dosée à 35-40 mg/kg PO q24h 25. Malgré la concentration élevée de médicament dans les poils qui subsiste bien après la fin de l’administration, les études cliniques montrent que les meilleurs résultats sont obtenus lorsque la terbinafine est administrée pendant au moins 21 jours consécutifs 25 26. La terbinafine est bien tolérée et les effets secondaires (troubles digestifs, léthargie et perte de poids) sont peu fréquents et sans gravité. Une élévation des enzymes hépatiques peut se produire mais elle sort rarement des intervalles de référence, même lorsque le chat reçoit de fortes doses 1.

Pronostic

Le pronostic de la dermatophytose est bon mais le traitement peut être frustrant dans les foyers multi-possesseurs, quand la contamination de l’environnement est fréquente. Il est important de rechercher les causes sous-jacentes de l’infection et de traiter les maladies concomitantes (allergies, stress, immunodépression, etc.).

Conclusion

La dermatophytose est une dermatose fongique superficielle courante, très contagieuse chez les chats, et qui comporte un risque zoonotique. Les lésions cliniques varient et tendent à être à la fois multifocales et asymétriques dans leur distribution. Le diagnostic sera facilement posé en associant l’anamnèse, les examens physiques et les tests diagnostiques, bien que des résultats faussement positifs et négatifs soient possibles. Des traitements topiques et systémiques sont recommandés, malgré le caractère autolimitant de cette maladie et le fait qu’elle comporte un bon pronostic, afin de prévenir la contagion à d’autres animaux ainsi qu’à l’entourage humain.
 

 

Références

  1. Moriello KA, Coyner K, Paterson S, et al. Diagnosis and treatment of dermatophytosis in dogs and cats: Clinical Consensus Guidelines of the World Association for Veterinary Dermatology. Vet Dermatol 2017;28:266-e268.

  2. Mancianti F, Nardoni S, Corazza M, et al. Environmental detection of Microsporum canis arthrospores in the households of infected cats and dogs. J Feline Med Surg 2003;5:323-328.

  3. DeTar LG, Dubrovsky V, Scarlett JM. Descriptive epidemiology and test characteristics of cats diagnosed with Microsporum canis dermatophytosis in a Northwestern US animal shelter. J Feline Med Surg 2019;21:1198-1205.

  4. Nuttall TJ, German AJ, Holden SL, et al. Successful resolution of dermatophyte mycetoma following terbinafine treatment in two cats. Vet Dermatol 2008;19:405-410.

  5. Tainwala R, Sharma Y. Pathogenesis of dermatophytoses. Indian J Dermatol 2011;56:259-261.

  6. Baldo A, Chevigné A, Dumez ME, et al. Inhibition of the keratinolytic subtilisin protease Sub3 from Microsporum canis by its propeptide (proSub3) and evaluation of the capacity of proSub3 to inhibit fungal adherence to feline epidermis. Vet Microbiol 2012;159:479-484.

  7. Ogawa H, Summerbell RC, Clemons KV, et al. Dermatophytes and host defence in cutaneous mycoses. Med Mycol 1998;36 Suppl 1:166-173.

  8. Deboer DJ, Moriello KA. Development of an experimental model of Microsporum canis infection in cats. Vet Microbiol 1994;42:289-295.

  9. Wolf FT, Jones EA, Nathan HA. Fluorescent pigment of Microsporum. Nature 1958;182:475-476.

  10. Kaufmann R, Blum SE, Elad D, et al. Comparison between point-of-care dermatophyte test medium and mycology laboratory culture for diagnosis of dermatophytosis in dogs and cats. Vet Dermatol 2016;27:284-e268.

  11. Stuntebeck R, Moriello KA, Verbrugge M. Evaluation of incubation time for Microsporum canis dermatophyte cultures. J Feline Med Surg 2018;20:997-1000.

  12. Goldberg HC. "Brush" technique in animals. Finding contact sources of fungus diseases. Arch Dermatol 1965;92:103.

  13. Sparkes AH, Robinson A, MacKay AD, et al. A study of the efficacy of topical and systemic therapy for the treatment of feline Microsporum canis infection. J Feline Med Surg 2000;2:135-142.

  14. Cafarchia C, Gasser RB, Figueredo LA, et al. An improved molecular diagnostic assay for canine and feline dermatophytosis. Med Mycol 2013;51:136-143.

  15. Jacobson LS, McIntyre L, Mykusz J. Comparison of real-time PCR with fungal culture for the diagnosis of Microsporum canis dermatophytosis in shelter cats: a field study. J Feline Med Surg 2018;20:103-107.

  16. Jacobson LS, McIntyre L, Mykusz J. Assessment of real-time PCR cycle threshold values in Microsporum canis culture-positive and culture-negative cats in an animal shelter: a field study. J Feline Med Surg 2018;20:108-113.

  17. Dabrowska I, Dworecka-Kaszak B, Brillowska-Dabrowska A. The use of a one-step PCR method for the identification of Microsporum canis and Trichophyton mentagrophytes infection of pets. Acta Biochimica Polonica 2014;61:375-378.

  18. Moriello KA, Leutenegger CM. Use of a commercial qPCR assay in 52 high risk shelter cats for disease identification of dermatophytosis and mycological cure. Vet Dermatol 2018;29:66-e26. 

  19. Dong C, Angus J, Scarampella F, et al. Evaluation of dermoscopy in the diagnosis of naturally occurring dermatophytosis in cats. Vet Dermatol 2016;27:275-e265. 

  20. Colombo S, Cornegliani L, Beccati M, et al. Comparison of two sampling methods for microscopic examination of hair shafts in feline and canine dermatophytosis. Vet (cremona) 2010;24:27-33.

  21. Chang SC, Liao JW, Shyu CL, et al. Dermatophytic pseudomycetomas in four cats. Vet Dermatol 2011;22:181-187.

  22. Heinrich K, Newbury S, Verbrugge M. Detection of environmental contamination with Microsporum canis arthrospores in exposed homes and efficacy of the triple cleaning decontamination technique. Vet Dermatol 2005;16:205-206.

  23. Vlaminck K, Engelen M. An overview of pharmacokinetic and pharmacodynamic studies in the development of itraconazole for feline Microsporum canis dermatophytosis. In: Hillier A, Foster A, Kwochka K (eds). Advances in Veterinary Dermatology Oxford: Blackwell Publishing, 2005;130-136.

  24. Puls C, Johnson A, Young K, et al. Efficacy of itraconazole oral solution using an alternating-week pulse therapy regimen for treatment of cats with experimental Microsporum canis infection. J Feline Med Surg 2018;20:869-874.

  25. Foust AL, Marsella R, Akucewich LH, et al. Evaluation of persistence of terbinafine in the hair of normal cats after 14 days of daily therapy. Vet Dermatol 2007;18:246-251.

  26. Moriello K, Coyner K, Trimmer A, et al. Treatment of shelter cats with oral terbinafine and concurrent lime sulphur rinses. Vet Dermatol 2013;24:618-620, e149-650.

Amelia G. White

Amelia G. White

Université d’Auburn, Collège de médecine vétérinaire, Alabama, États-Unis En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 31.1 Publié 23/09/2021

Comment faciliter le collier élisabéthain (ou collerette) chez le chat

Un collier élisabéthain ou collerette est souvent utilisé lorsqu'un chat se gratte mais il peut aussi nuire au bien-être de l’animal.

par Anne Quain

Numéro du magazine 31.1 Publié 16/09/2021

Le lymphome cutané félin

Le lymphome cutané félin est un cancer rare mais potentiellement mortel qu’il est justifié d’envisager lors du diagnostic différentiel de nombreux cas de dermatologie.

par Hannah Lipscomb et Filippo De Bellis

Numéro du magazine 31.1 Publié 16/09/2021

Le lymphome cutané félin

Le lymphome cutané félin est un cancer rare mais potentiellement mortel qu’il est justifié d’envisager lors du diagnostic différentiel de nombreux cas de dermatologie.

par Hannah Lipscomb et Filippo De Bellis

Numéro du magazine 31.1 Publié 09/09/2021

Affections du planum nasal chez le chat

Faire le diagnostic différentiel et traiter des lésions cutanées sur le nez d’un chat peut être difficile.

par Christina Gentry