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Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.1 Nutrition

Le gluten dans l’alimentation humaine et canine

Publié 19/04/2023

Ecrit par Chih-Fan Chiang

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Română , Español et English

Les aliments sans gluten sont populaires chez les humains et les chiens mais quelle est la fréquence réelle des troubles liés au gluten ? Cet article compare et met en perspective ce que nous savons à ce sujet dans les deux espèces.

Border Terrier

Points clés

Le gluten est un terme général qui désigne certaines protéines végétales présentes dans les grains de céréales, responsables de la texture moelleuse des produits de boulangerie. 


Les régimes alimentaires sans gluten peuvent être indiqués dans certaines affections canines, notamment l’entéropathie du Setter Irlandais et la dyskinésie paroxystique du Border Terrier.


Pour les cas présumés d’intolérance au gluten, un aliment vétérinaire à visée thérapeutique, formulé avec un nombre limité d’ingrédients et sans gluten, peut être utilisé dans le cadre d’un essai de régime d’élimination. 


Un régime sans gluten est également indiqué pour les chiens en bonne santé vivant avec des personnes présentant une intolérance au gluten.


Introduction

Le gluten est un terme utilisé pour désigner les protéines végétales présentes dans l’endosperme des grains de céréales, qui couvrent les besoins nutritionnels liés à la germination et à la croissance. Les scientifiques s’intéressent au gluten depuis longtemps et des analyses permettent de caractériser sa composition. Les protéines des différents grains de céréales sont maintenant classées en quatre catégories : albumine, globuline, prolamine et glutéline 1. Albumine et globuline sont solubles dans l’eau tandis que la prolamine peut être extraite par un solvant alcoolique et la glutéline par un solvant alcalin. La prolamine est ainsi nommée à cause de sa teneur élevée en proline et en glutamine. Elle est également connue sous les noms de gliadine, hordéine, sécaline, avénine ou zéine lorsque les grains sont respectivement issus du blé, de l’orge, du seigle, de l’avoine ou du maïs. La glutéline désigne les protéines qui proviennent des grains de blé et qui contiennent des enzymes et des parois cellulaires. Certains auteurs préconisent de réserver l’utilisation du terme gluten à la gliadine et à la gluténine, soit les protéines des grains de blé insolubles dans l’eau.

Outre sa fonction de soutien à la croissance du germe, le gluten est également important en ingénierie alimentaire. Les ponts disulfures entre les acides aminés du gluten sont à l’origine des propriétés viscoélastiques et adhésives des pâtes levées : ils contribuent à la structure moelleuse de l’intérieur du pain. L’ajout de gluten à la pâte est une façon économique et efficace d’améliorer la texture et la sensation en bouche des produits de boulangerie. Cependant, le gluten est également connu pour favoriser le développement de divers troubles, tels que la maladie cœliaque chez l’humain. Chez les personnes sensibles, la consommation de grains de céréales issus de plantes de la tribu des Triticeae, dont le blé, l’orge et le seigle, peut provoquer des signes cliniques. Des signes similaires peuvent également être déclenchés par certaines variétés d’avoine et de grains d’avoine lorsque le traitement a lieu dans des minoteries traitant aussi le blé, l’orge et le seigle 2. Bien que le terme gluten soit couramment utilisé pour désigner toutes les protéines céréalières, le gluten dérivé du maïs et du riz n’est pas impliqué dans les troubles liés au gluten chez l’humain. Dans cet article, le terme gluten ne sera utilisé que pour décrire les protéines dérivées de l’orge, du seigle, de l’avoine et du blé.

Les troubles liés au gluten chez l’humain

“Les troubles liés au gluten” est un terme général utilisé pour décrire les signes cliniques associés à l’exposition au gluten. Selon leur pathogénie et leur étiologie spécifiques, ces troubles peuvent être classés dans les trois groupes qui suivent 3.

Réactions allergiques

Chez les individus sensibles, les réactions allergiques au gluten peuvent être des hypersensibilités de type I ou IV, et apparaître de façon retardée ou immédiate après l’exposition. Lorsque l’immunoglobuline E (IgE) est impliquée, son interaction avec le gluten déclenche une cascade de réactions cellulaires dans les mastocytes et les basophiles, qui provoque la dégranulation et la libération de cytokines et de médiateurs de l’inflammation, tels que l’histamine. Ces derniers sont responsables de l’apparition de signes cliniques qui varient en fonction de l’endroit du corps où se produit la réaction ; il peut s’agir de vomissements, de diarrhée, de prurit, de dyspnée, de toux, d’éternuements ou de jetage. Les troubles liés au gluten impliquant des réactions allergiques sont habituellement appelés allergie au blé, l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes au monde 3.

Réactions auto-immunes

La maladie cœliaque est un exemple classique de cette catégorie. Quand un individu sensible consomme des produits contenant du blé, la présence de gliadine dans le tube digestif (TD) nuit à l’intégrité des jonctions serrées et des entérocytes, ce qui modifie la perméabilité intestinale 4. Le passage de gliadine au travers de la barrière intestinale active une réponse immunitaire systémique et entraîne la production d’anticorps anti-gliadine (AG). Parallèlement à l’augmentation de la perméabilité intestinale, l’assimilation du gluten contribue également au développement de réactions auto-immunes dirigées contre la transglutaminase tissulaire (tTG) 5. Cette enzyme multifonctionnelle est présente de manière ubiquitaire dans l’organisme ; elle est responsable de la désamidation et de la transamidation de la glutamine dans le TD. À cause de la forte teneur en glutamine dans la gliadine, la tTG forme des liaisons transversales étroites avec la gliadine, ce qui fait apparaître de nouveaux épitopes antigéniques et entraîne le développement d’auto-anticorps contre la tTG. En plus de l’effet direct du gluten, une prédisposition génétique est identifiée chez les patients atteints de maladie cœliaque, qui contribue à leur vulnérabilité. La plupart de ces patients sont porteurs de variants génétiques spécifiques des gènes leucocytaires humains (HLA), qui exacerbent la réaction immunitaire via une activation accrue des lymphocytes 3. L’implication de plusieurs systèmes et la présence d’auto-anticorps font de la réaction auto-immune au gluten une entité distincte. Globalement, les patients atteints de maladie cœliaque présentent une malabsorption et d’autres troubles digestifs liés aux lésions des entérocytes et à l’atrophie villositaire qui se développe après l’exposition au gluten (Figure 1).

Les anticorps anti-tTG sont suspectés de contribuer au développement de la dermatite herpétiforme (Figure 2) et de l’ataxie au gluten, deux autres formes de réactions auto-immunes liées au gluten 6. Bien que ces processus pathologiques puissent provoquer des signes cliniques en partie similaires, le signe prédominant est généralement déterminé par l’organe ou le tissu principalement concerné. Par exemple, en raison de l’implication des cellules de Purkinje et du cervelet, les patients présentant une ataxie liée au gluten présentent généralement des troubles moteurs, notamment de l’ataxie, des tremblements et des myoclonies 6. L’analyse sérique des anticorps anti-tTG et AG est ici précieuse pour permettre le diagnostic lors de suspicion de réactions auto-immunes liée au gluten.

maladie cœliaque

Figure 1. La maladie cœliaque est caractérisée par une perte d’intégrité des jonctions serrées entre les entérocytes et une atrophie villositaire ; elle perturbe la perméabilité intestinale et favorise l’apparition de signes cliniques comme la diarrhée. 
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dermatite herpétiforme

Figure 2. La dermatite herpétiforme est une autre forme de réaction auto-immune liée à la sensibilité au gluten chez l’humain. Il est intéressant de noter que certains Border Terriers présentant une dyskinésie paroxystique, que l’on pense être lié à une intolérance au gluten, peuvent également présenter des signes dermatologiques. 
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Autres réactions liées au gluten

Certains individus réagissent à la consommation de gluten alors qu’aucun mécanisme allergique ou auto-immun n’est identifié. Les signes cliniques sont similaires à ceux rapportés chez les patients présentant des réactions allergiques ou auto-immunes au gluten mais l’examen histopathologique des biopsies intestinales ne montre aucune lésion particulière. Bien qu’une hausse des anticorps sériques AG soit parfois observée, la présence dans le sérum d’anticorps anti-tTG n’est pas significative 3. Compte tenu de la similitude des signes cliniques, le diagnostic de « réaction ni allergique ni auto-immune » ne sera posé que par exclusion, d’où le nom de « sensibilité au gluten non cœliaque » donné à cette affection 3.

Malgré ce classement bien établi, la prévalence réelle des troubles liés au gluten chez l’humain reste mal connue car la plupart des gens qui en sont victimes essayent de modifier leur régime alimentaire eux-mêmes, sans avis médical formel. Lors de suspicion clinique, l’exploration peut s’appuyer sur des outils diagnostiques tels que le profil sérique d’anticorps, le typage génétique et les biopsies intestinales. Bien qu’il ne soit généralement pas facile d’établir une relation de cause à effet entre un composant alimentaire et une maladie, un essai de régime d’élimination (suivi de tests de provocation avec du gluten pur ou des aliments contenant du gluten) peut être utile pour relier l’exposition au gluten aux signes cliniques. Il faut cependant savoir que l’élimination du gluten de l’alimentation peut entraîner des tests faussement négatifs, notamment une normalisation du profil d’anticorps sériques et la disparition des modifications histopathologiques dans les biopsies intestinales de patients cœliaques 6.

Les troubles liés au gluten chez le chien

Des signes cliniques associés au gluten alimentaire ont été décrits dans certaines races de chiens au cours des dernières décennies. Le lien entre le gluten et une entéropathie observée chez le Setter Irlandais est étudié depuis la fin du 20e siècle ; une étude a même essayé de cerner les différences qui existent entre cette affection et la maladie cœliaque humaine 7. Cette étude portait sur des Setters Irlandais référés pour des difficultés à maintenir leur poids (Figure 3). Chez les chiens inclus, aucune anomalie n’a été relevé lors des analyses fécales, du dosage sérique de la cobalamine et de l’évaluation de la fonction du pancréas exocrine ; l’examen histopathologique des biopsies de l’intestin grêle a en revanche montré une atrophie villositaire de gravité variable, pouvant entraîner une malabsorption et par conséquent des difficultés à maintenir le poids. L’étude n’a cependant pas approfondi l’historique alimentaire de ces chiens, et une relation causale entre le gluten et l’entéropathie n’a pas pu être établie de manière certaine.

Setter Irlandais

Figure 3. Le Setter Irlandais est sensible à une entéropathie pouvant entraîner une perte de poids chronique et des troubles digestifs. Elle pourrait être liée à une intolérance au gluten mais cette affection n’est pas directement comparable à la maladie cœliaque. 
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Une autre étude témoigne de l’amélioration ou de la disparition des signes cliniques (comme la diarrhée) et des anomalies histopathologiques de la muqueuse intestinale, à la suite de la distribution d’un régime sans céréales à des Setters Irlandais sensibles, élevés avec un aliment contenant du blé 8. Lorsque ces chiens ont ensuite été exposés à du gluten pur, les signes cliniques et les lésions villositaires ont réapparu. Cette étude n’a toutefois pas analysé le profil sérologique de ces chiens qui aurait permis de confirmer le diagnostic de maladie cœliaque.

Malgré la relation de cause à effet possible suggérée par ces publications, une étude a échoué à identifier des différences significatives de concentrations sériques en anticorps AG entre des Setters Irlandais sensibles élevés soit avec des aliments contenant du blé, soit avec un régime sans céréales ; les concentrations d’auto-anticorps sériques et d’autres immunoglobulines n’étaient pas significativement différentes entre les deux groupes 9. Étant donné l’absence de composantes systémique et auto-immune, l’entéropathie décrite chez le Setter Irlandais semble être différente de la maladie cœliaque humaine. Bien que la pathogenèse et les prédispositions génétiques du Setter Irlandais à cette entéropathie restent à préciser, un régime sans gluten paraît quand même bénéfique chez ces chiens. Ces observations, ainsi que l’évolution récente de la nutrition humaine, font fréquemment l’objet de discussions entre les clients et les vétérinaires.

Une association a aussi été récemment signalée entre l’ingestion de gluten et la dyskinésie paroxystique (DP) du Border Terrier (Figure 4). La dyskinésie paroxystique est le terme donné à un groupe d’affections caractérisées par des troubles moteurs épisodiques, notamment de la dystonie et des tremblements, pouvant être déclenchés par des stimulations telles que l’excitation, l’exercice ou le stress 10. Ces épisodes sont observés chez les chiens jeunes et d’âge moyen, appartenant notamment aux races suivantes : Border Terrier, Épagneul Cavalier King Charles, Chinook, Norwich Terrier et Soft-Coated Wheaten Terrier 10. Les mouvements involontaires anormaux peuvent durer de quelques minutes à quelques heures. Les chiens semblent rester conscients tout au long des crises, et la récupération après ces épisodes auto-résolutives est bonne (contrairement aux crises d’épilepsie prolongées qui sont souvent suivies de déficits nerveux). Les chiens se comportent normalement entre les crises 10.

crises d’épilepsie

Figure 4. Le Border Terrier est sujet à des crises de dyskinésie paroxystique qui peuvent être confondues avec des crises d’épilepsie car la description est souvent similaire. 
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Bien que la pathogénie de la DP canine ne soit pas entièrement élucidée, des mutations génétiques associées ont été suspectées. Une étude a observé une microdélétion du gène BCAN chez l’Épagneul Cavalier King Charles 11. Ce gène code pour le brévican, un protéoglycane constitutif de la matrice extracellulaire du cerveau, impliqué dans le maintien de la stabilité synaptique. La mutation du gène BCAN est étroitement associée au syndrome de chute épisodique, un trouble moteur paroxystique observé chez l’Épagneul Cavalier King Charles 11.

La composition de l’alimentation semble aussi jouer un rôle important dans la DP du Border Terrier (une maladie précédemment connue sous le nom de syndrome de la crampe épileptoïde du chien, ou maladie de Spike). Pour tenter de préciser le phénotype de la DP dans cette race, une étude a sélectionné des chiens sur la base des observations des propriétaires, des enregistrements vidéo et des dossiers médicaux 12. Il est intéressant de remarquer que, dans cette étude, des signes dermatologiques (incluant un prurit fréquent) et des troubles digestifs légers (vomissements et diarrhées par exemple) ont été signalés chez 50 % des chiens évalués. En outre, la fréquence de la DP avait baissé chez de nombreux chiens ayant changé d’alimentation, pour passer par exemple à un régime hypoallergénique ou comportant une seule source de protéines et de glucides. Ces résultats suggèrent qu’une allergie ou une intolérance alimentaire puisse être une cause sous-jacente. L’article indique également que les éleveurs et les propriétaires des Border Terriers atteints ont parfois signalé une diminution des troubles moteurs après avoir commencé à distribuer un régime sans gluten à leurs chiens.

Dans une autre étude, 6 Border Terriers atteints de DP ont été recrutés et ont suivi un régime d’élimination strict pendant 9 mois, basé sur l’utilisation d’un aliment vétérinaire à visée thérapeutique dépourvu de gluten, formulé avec un nombre limité de protéines hydrolysées. Une réduction significative de la fréquence des épisodes de DP a été notée. En outre, les concentrations sériques d’anticorps AG et anti-tTG étaient également réduites chez ces chien13. Malgré la petite taille de l’échantillon, l’étude a montré une réponse positive à un régime sans gluten chez les chiens concernés.

Une étude a tenté de caractériser le profil sérologique des Border Terriers présentant une DP 14. Les chercheurs ont classé les chiens en quatre groupes en fonction du diagnostic clinique : celui des chiens sains, celui des chiens présumés atteints de DP, celui des chiens atteints d’épilepsie idiopathique présumée et un 4e groupe réunissait d’autres chiens présentant des signes cliniques ambigus ou des affections non neurologiques. Aucun des chiens inclus n’était nourri avec un aliment sans gluten. Les auteurs ont constaté que des concentrations élevées d’anticorps anti-tTG et AG étaient présentes chez certains Border Terriers présentant une DP présumée. De plus, des concentrations élevées de marqueurs sériques étaient également observées chez des chiens ne présentant pas de DP. Comme chez l’humain présentant des troubles liés au gluten, des concentrations élevées de marqueurs sériques chez le Border Terrier semblent être associées avec un spectre de signes cliniques. Ces tests sérologiques semblent cependant présenter une spécificité élevée pour le diagnostic de DP répondant à un aliment sans gluten dans cette race 14. Bien que la valeur diagnostique des marqueurs sérologiques puisse diminuer lorsqu’un chien atteint consomme un régime sans gluten, il peut être utile d’associer la mesure de ces marqueurs sérologiques à un historique complet du régime alimentaire et à des examens diagnostiques permettant d’exclure les causes extra- et intracrâniennes lors de DP chez le Border Terrier.

Chih-Fan Chiang

Étant donné l’absence de composantes systémique et auto-immune, l’entéropathie décrite chez le Setter Irlandais semble être différente de la maladie cœliaque de l’humain.

Chih-Fan Chiang

Considérations nutritionnelles 

Actuellement, les données épidémiologiques à propos des troubles liés au gluten dans la population canine générale restent à déterminer. Des recherches supplémentaires sont aussi nécessaires pour mieux comprendre le phénotype et la pathogenèse de ces troubles. Malgré ces connaissances lacunaires, les données disponibles permettent de recommander une intervention nutritionnelle chez les chiens de certaines races qui présentent des signes cliniques et des antécédents alimentaires compatibles avec des troubles liés au gluten.

Lorsqu’un trouble lié au gluten est suspecté, l’objectif est de mettre en place une alimentation complète et équilibrée, formulée à partir d’ingrédients sans gluten, qui soit adaptée au stade physiologique du chien, qui atténue les signes cliniques et qui fournisse assez de calories pour favoriser ou maintenir une bonne condition corporelle. Aux États-Unis, la Food & Drug Administration (FDA) impose d’étiqueter de manière précise les aliments sans gluten, ce qui permet aux personnes souffrant de troubles liés au gluten de pouvoir sélectionner soigneusement les produits compatibles avec leur régime alimentaire 15. Malgré cette possibilité, l’exclusion intentionnelle de certains composants alimentaires peut parfois entraîner des carences nutritionnelles, notamment en ce qui concerne les fibres alimentaires et le zinc, et il est recommandé de recourir aux conseils d’un professionnel pour garantir une alimentation complète et équilibrée 16. En médecine vétérinaire, des carences nutritionnelles sont également signalées dans les rations ménagères formulées par des non-professionnels 17. Un vétérinaire spécialisé en nutrition peut évidemment formuler une ration ménagère individuelle sans gluten, complète et équilibrée, mais l’utilisation d’un tel régime n’est pas toujours possible compte tenu du travail et du coût nécessaires à sa préparation 18. Heureusement, le marché propose aujourd’hui de nombreux aliments formulés pour répondre aux besoins nutritionnels des chiens à différents stades physiologiques, adaptés à leur mode de vie et à leur état de santé ; bien conseillés par un vétérinaire, les propriétaires peuvent ainsi rechercher l’aliment le plus adéquat pour leur chien (Figure 5). Tous les aliments sans gluten commercialisés par les fabricants sérieux peuvent être envisagés et une check-list de la WSAVA aide aussi à évaluer les aliments pour animaux de compagnie et les entreprises de ce secteur 19.

aliment sans gluten

Figure 5. Il n’est pas toujours facile de choisir un aliment sans gluten car l’étiquette sur l’emballage n’inclut pas toujours la liste complète des ingrédients. L’avis d’un vétérinaire est toujours recommandé. 
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Il n’existe pas encore de recommandations officielles (émanant d’organismes tels que l’Association of American Feed Control Officials (AAFCO)) accessibles à propos des allégations relatives aux aliments sans gluten. Pour vérifier si le gluten est bien absent dans un aliment pour animaux de compagnie, il faut donc évaluer de manière approfondie la liste des ingrédients figurant sur l’emballage ; la conclusion n’est pas toujours garantie car le contrôle qualité des fabricants d’aliments pour animaux de compagnie peut laisser à désirer 20. Une étude a par exemple observé que certains aliments en vente libre, censés être formulés avec « un nombre limité d’ingrédients » contenaient en fait des protéines animales non déclarées sur l’étiquette 21. L’hétérogénéité des lots d’aliments et les résultats faussement positifs de tests très sensibles pourraient avoir biaisé certains résultats mais une contamination croisée peut avoir lieu au cours des processus de fabrication. Lorsqu’un régime d’élimination est nécessaire, la sécurité d’utilisation d’un aliment en vente libre à nombre d’ingrédients limités n’est pas toujours certaine. Pour l’auteur, il est préférable de réaliser cet essai avec un aliment vétérinaire à visée thérapeutique, formulé avec un nombre limité d’ingrédients excluant le gluten, produit par un fabricant sérieux et garantissant un excellent contrôle qualité. De nombreux aliments formulés pour contrôler les réactions alimentaires indésirables, ainsi que les aliments hypoallergéniques indiqués lors de troubles cutanés liés à une allergie alimentaire, sont potentiellement utilisables.

Le mode de fabrication et le profil nutritionnel des aliments commercialisés varient beaucoup. Par conséquent, afin d’éviter tout malentendu, une recommandation au client doit être accompagnée de toutes les précisions utiles : nom du fabricant et du produit, aliment sec ou humide, ration journalière à distribuer… Selon les signes cliniques en cause, l’organe concerné et la réponse du chien, un régime d’élimination sera distribué pendant 1 à 2 semaines lors de troubles digestifs, et jusqu’à 8 semaines pour les troubles dermatologiques. Idéalement, l’essai doit être suivi de tests de provocation pour évaluer la réponse du chien aux aliments suspects. Ces tests permettront de confirmer le diagnostic d’un trouble lié au gluten, ainsi que la nécessité de mettre en place un régime alimentaire sans gluten et un suivi à vie chez les chiens atteints. 

Enfin, bien que les signes cliniques des troubles liés au gluten n’aient été documentés à ce jour que chez le Border Terrier et le Setter Irlandais, un régime sans gluten est parfois demandé par les clients en raison de leurs propres réactions indésirables au gluten. Ces réactions peuvent parfois mettre la vie des personnes sensibles en danger et, dans un tel contexte, la demande doit être prise au sérieux et l’aliment du chien sera choisi avec une attention particulière.

Conclusion

Des troubles liés au gluten ont été signalés aussi bien chez l’humain que chez le chien, mais ils peuvent être contrôlés en excluant prudemment le gluten alimentaire. Bien que la prévalence et la pathogenèse des troubles liés au gluten chez le chien restent à préciser, la réponse objective positive observée chez les animaux atteints justifie une intervention nutritionnelle opportune le cas échéant. Le gluten est devenu un sujet majeur en alimentation humaine et canine, et les vétérinaires ont besoin de connaissances solides en la matière pour pouvoir conseiller au mieux les propriétaires d’animaux à propos de l’intérêt de modifier ou non le régime alimentaire de leur chien.

 

Remerciements
 
Nous remercions les Drs Juan Hernandez et Tristan Méric pour la relecture attentive de la version française de cet article.

Références

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Chih-Fan Chiang

Chih-Fan Chiang

Chih-Fan Chiang est diplômé de l’école de médecine vétérinaire de l’Université nationale de Taiwan En savoir plus

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