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Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.1 Gastro-intestinal

Hypocorticisme atypique chez le chien

Publié 21/06/2023

Ecrit par Romy M. Heilmann

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español , English , ภาษาไทย et 한국어

Lorsqu’un chien est présenté pour des signes gastro-intestinaux, la maladie d’Addison n’est pas la première éventualité à envisager mais Romy Heilmann constate cependant qu’elle ne doit pas être écartée.

© Shutterstock

Hypocorticisme atypique chez le chien

Points clés

En cas d’hypocorticisme typique, le tableau clinique et les résultats clinicopathologiques du chien sont généralement fortement évocateurs, ce qui simplifie le diagnostic.


L’hypocorticisme atypique est souvent associé à l’évolution irrégulière de signes gastro-intestinaux chroniques non spécifiques, pouvant être déclenchés ou exacerbés par le stress et qui répondent souvent à un traitement symptomatique.


Pour établir un diagnostic d’hypocorticisme atypique chez un chien, le vétérinaire doit adopter une approche d’enquêteur.


Les deux formes d’hypocorticisme sont généralement associées à un très bon pronostic à long terme.


Introduction

Dans sa forme typique (la maladie d’Addison), l’hypocorticisme est souvent simple à mettre en évidence car les signes cliniques et les anomalies clinicopathologiques sont caractéristiques et s’accordent bien avec l’historique et les commémoratifs du chien. Il peut donc sembler étrange qu’un gastroentérologue doive envisager cette affection quand il examine un animal. Pourtant, le tableau clinique des chiens affectés peut être peu spécifique (surtout s’ils présentent un hypocorticisme atypique spontané), et inclure des signes gastro-intestinaux chroniques évoluant de manière irrégulière. Ces signes peuvent être déclenchés ou exacerbés par des épisodes de stress, et répondent souvent à la fluidothérapie et au traitement symptomatique. L’hypocorticisme, en particulier dans sa forme atypique, peut donc être confondu avec une affection gastro-intestinale primaire et il ne doit pas être oublié dans la liste des diagnostics différentiels chez les chiens présentant des signes gastro-intestinaux vagues et non spécifiques.

Quelques rappels de base

Terminologie

L’hypocorticisme, ou maladie d’Addison, se développe lorsque le cortex surrénalien est incapable de produire et de sécréter des quantités suffisantes de glucocorticoïdes endogènes ; dans sa forme typique, une insuffisance de sécrétion en minéralocorticoïdes est également présente (Figure 1) 1. Si l’hypocorticisme typique s’accompagne de critères cliniques et clinicopathologiques caractéristiques (liés à la carence simultanée en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes), les cas d’hypocorticisme atypique sont en revanche plus difficiles à diagnostiquer chez le chien. Cette forme particulière d’insuffisance surrénalienne est non seulement moins fréquente mais son tableau clinique est également plus discret et moins spécifique 1,2. Un hypocorticisme atypique peut évoluer vers une forme typique, c’est pourquoi les cas atypiques doivent être régulièrement suivis 2. Chez les chiens présentant une forme typique assez évoluée, la décompensation clinique peut provoquer une déshydratation et un choc hypovolémique (crise addisonienne). L’analyse rétrospective des cas de crises addisoniennes montre souvent une évolution initiale lente avec des signes cliniques non spécifique ayant conduit à une période d’errance. Chez ces cas, un déficit en glucocorticoïdes initial peut être suspecté mais cette évolution est difficile à prouver au moment de la découverte d’un cas typique d’hypocorticisme. Des prédispositions raciales sont signalées chez le Caniche standard, le Chien d’Eau Portugais, le Retriever de Nouvelle-Écosse, le Soft-Coated Wheaten Terrier et le Bearded Collie, mais des chiens de toute race et de tout âge peuvent être atteints par l’une ou l’autre forme de cette affection 2,3,4,5. Les chiens atteints d’hypocorticisme atypique ont tendance à être plus âgés que ceux présentant une forme typique.

Classification actuelle de l’hypocorticisme spontané chez le chien

Figure 1. Classification actuelle de l’hypocorticisme spontané chez le chien.

Étiologie 

Toute affection qui diminue la production et la libération d’hormones par le cortex surrénal peut entraîner un hypocorticisme. Le plus souvent, c’est un processus à médiation immunitaire qui est à l’origine de la destruction de la partie endocrine de la glande corticosurrénale, en particulier la partie médiane à interne qui produit des glucocorticoïdes (zona fasciculata5,6,7. Les causes moins fréquentes voire rares d’hypocorticisme primaire sont les maladies granulomateuses (les maladies fongiques par exemple), les causes vasculaires (exemples : hémorragie, ischémie), les dépôts amyloïdes (en particulier dans les races prédisposées à développer une amyloïdose), la nécrose ou les tumeurs métastasées 8,9,10. Un hypocorticisme secondaire (central) peut apparaître lorsque la production et la libération de l’hormone corticotrope (CRH) par l’hypothalamus ou de l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) par l’hypophyse diminuent, notamment à cause d’un processus inflammatoire, infectieux, traumatique ou tumoral 1,11.

Physiopathologie

Dans la forme typique de l’hypocorticisme, le déficit non compensé en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes entraîne des anomalies caractéristiques des électrolytes plasmatiques (hyperkaliémie, hyponatrémie) 1. Dans la forme atypique en revanche, on observe soit un déficit isolé en glucocorticoïdes, soit un déficit mixte en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes mais sans évolution des concentrations en électrolytes, grâce à des mécanismes compensateurs indépendants de l’aldostérone (compensation rénale par exemple) 1,2.

Détecter l’hypocorticisme : le grand prétendant

Signes cliniques

Compte tenu des rôles multiples que jouent les glucocorticoïdes endogènes dans l’organisme (Figure 2), y compris au niveau cardiaque et gastro-intestinal 12,13, les chiens atteints d’hypocorticisme atypique présentent généralement des signes vagues et non spécifiques, qui évoluent par crises : baisse des performances (pendant les concours d’agility par exemple), léthargie, faiblesse, manque d’appétit, perte de poids voire émaciation (Figure 3), vomissements (avec ou sans hématémèse) ou régurgitations, diarrhée (pouvant être hémorragique), douleurs abdominales et incontinence 1,2,13,14.

Effets des glucocorticoïdes endogènes (cortisone) sur différents tissus de l’organisme

Figure 2. Effets des glucocorticoïdes endogènes (cortisone) sur différents tissus de l’organisme. À cause du déficit en glucocorticoïdes (hypocorticisme), ces effets ne peuvent pas se manifester en cas de stress (indiqué par les flèches rouges), la réponse au stress est donc insuffisante (flèches grises).
© Romy M. Heilmann/redrawn by Sandrine Fontègne

Boxer mâle de 9 ans et demi présentant un hypocorticisme atypique

Figure 3. Boxer mâle de 9 ans et demi présentant un hypocorticisme atypique. Le chien était présenté pour des troubles gastro-intestinaux chroniques : vomissements, hématémèse, hyporexie intermittente, diarrhée et perte de poids (- 14 % sur 3 mois). L’examen clinique n’a rien montré de particulier, sauf une note d’état corporel faible (NEC : 2,5/9).
© Me Wendler, Bischofswerda, SN, Allemagne

Diagnostic de laboratoire 

Les examens à réaliser incluent au minimum un hémogramme complet, une analyse biochimique sérique et une analyse d’urine (avec évaluation du sédiment urinaire et, si nécessaire, une culture bactérienne avec antibiogramme et mesure du rapport protéines/créatine urinaire). Chez les chiens présentant un hypocorticisme atypique, ces examens révèlent généralement des changements discrets et non spécifiques. Une légère anémie non régénérative est cependant couramment observée car le cortisol augmente l’érythropoïèse et freine le renouvellement des érythrocytes. L’absence d’un leucogramme de stress supposé (voire au contraire l’émergence de la tendance opposée dans la numération cellulaire, un phénomène souvent appelé leucogramme de stress inversé) peut être un indicateur subtil mais qui peut passer inaperçu s’il n’est pas évalué spécifiquement (Encadré 1). Compte tenu des effets opposés des glucocorticoïdes sur les numérations des neutrophiles et des lymphocytes, un rapport neutrophiles/lymphocytes ≤ 2,3 doit faire suspecter un hypocorticisme 15.

Encadré 1. Résultats hématologiques notables chez une chienne de 6 ans présentant un hypocorticisme. Un leucogramme de stress inversé est présent, avec une légère lymphocytose, une éosinophilie et une chute du rapport neutrophiles/lymphocytes (N/L-R = 1,31). Dès que le rapport N/L-R est inférieur ou égal à 2,3, un hypocorticisme doit être suspecté. 

Paramètre Résultat Unité Intervalle de référence 
Érythrogramme
Hématocrite 33,8 % 37,3-61,7
VGM 1 61,2 fl 61,6-73,5
TCMH 2 22,3
pg
21,2-25,9
Leucogramme
Nombre de neutrophiles 7,53* x 109/l 2,95-11,64
Nombre de lymphocytes 5,75* x 109/l 1,05-5,10
Nombre de monocytes 0,67 x 109/l 0,16-1,12
Nombre de éosinophiles 1,25 x 109/l 0,06-1,23
Nombre de basophiles 0,07 x 109/l 0,00-0,10
Thrombocytes
Nombre de plaquettes 368 K/µl 148-484
VPM 3 9,7 fl 8,7-13,2

*N/L-R = 1,31

1. VGM : volume globulaire moyen
2. TCMH : teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine
3. VPM : volume plaquettaire moyen.

 

Une hypoglycémie (ou une glycémie normale basse), une hypoalbuminémie, une hypocholestérolémie, une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques (suivant un modèle hépatocellulaire d’augmentation enzymatique, c’est-à-dire que l’ALT sérique augmente plus que l’ALP) et une azotémie prérénale légère à modérée peuvent aussi être détectées 1. La distinction avec l’azotémie rénale peut cependant être délicate car la capacité de concentration urinaire des chiens atteints d’hypocorticisme est souvent réduite (densité urinaire < 1 030). Certains (ou l’ensemble) de ces résultats clinicopathologiques peuvent au mieux faire suspecter un hypocorticisme, ou tout du moins ne permettent pas d’exclure cette hypothèse diagnostique avant d’en explorer d’autres (exemples : entéropathie avec perte de protéines ou hépatopathie chronique) en utilisant une approche plus invasive et en pratiquant une anesthésie générale. C’est d’autant plus important que le stress associé aux procédures invasives (anesthésie en particulier) pourrait provoquer une décompensation de l’hypocorticisme, potentiellement fatale pour le chien. L’hyperkaliémie et l’hyponatrémie (souvent exprimées par la diminution du rapport sodium/potassium : Na/K < 27) sont caractéristiques de la forme typique de l’hypocorticisme mais sont absentes en cas de forme atypique (Encadré 2) 4. A l’avenir, les outils d’intelligence artificielle, en particulier les algorithmes capables de faire la synthèse des résultats de plusieurs examens usuels, pourraient aider à mieux détecter des cas d’hypocorticisme atypique 16.


Encadré 2. Résultats des analyses biochimiques sériques et des électrolytes du chien Boxer de la Figure 3. À l’exception d’une légère hypoalbuminémie et de concentrations sériques situées en bas de l’intervalle de référence pour le cholestérol et le glucose, les analyses sériques de ce chien n’étaient pas remarquables : une entéropathie avec perte de protéines avait été suspectée.

Paramètre Résultat Unité Intervalle de référence
Glucose 97 mg/dl 57-126
Cholestérol 167 mg/dl 139-398
SDMA 11 µg/dl 0-14
Créatinine 1,1 mg/dl 0,5-1,5
Urée 21 mg/dl 9-29
Phosphate 1,1 mmol/l 0,9-1,7
Calcium 2,3 mmol/l 2,1-2,9
ALT 72 U/l 25-122
ALP 37 U/l 14-147
Protéines totales 5,9 g/dl 5,4-7,6
Albumine 2,3 g/dl 2,8-4,3
Bilirubine 0,2 mg/dl 0-0,4
Sodium 145 mmol/l 142-153
Potassium 4,2 mmol/l 3,9-5,8

 

Dosages hormonaux

Mesurer le taux basal de cortisol sérique est un test de dépistage utile (Encadré 3). Le seuil de base de 2 µg/dl (55 nmol/l) permet d’exclure un diagnostic d’hypocorticisme (sensibilité de 100 %, spécificité de 63 à 78 %) (Encadré 4) 17,18. Si la concentration basale de cortisol sérique est < 2 µg/dl, un test de stimulation à l’ACTH doit être effectué pour confirmer ou infirmer l’hypocorticisme 1,17,18 : un cortisol sérique post-stimulation par l’ACTH < 2 µg/dl confirme l’affection tandis qu’un niveau > 6 µg/dl l’exclut. Un test de stimulation avec une faible dose d’ACTH (en administrant 1 µg/kg de cosyntropine par voie IV au lieu de la dose standard de 5 µg/kg) est efficace pour diagnostiquer un hypocorticisme chez le chien 19. Le dosage de l’ACTH endogène (eACTH) peut être utilisé pour confirmer l’hypocorticisme et savoir s’il est plutôt de type primaire ou secondaire (Encadré 5) 1,15. L’hypocorticisme primaire (c’est-à-dire d’origine surrénalienne) est associé à une concentration d’eACTH normale ou élevée, tandis que la concentration en eACTH est indétectable ou faible en cas d’hypocorticisme secondaire (c’est-à-dire d’origine centrale, impliquant l’hypothalamus ou l’hypophyse). 

Encadré 3. Résultats de l’exploration thyroïdienne et gastro-intestinale du chien Boxer présentant un hypocorticisme atypique (Figure 3). Ils indiquent un faible taux de thyroxine totale et libre, une hypercobalaminémie (sans supplémentation préalable) et une hypocortisolémie (inférieure au seuil de 55 nmol/l utilisé pour le dépistage de l’hypocorticisme). Ces résultats justifient un test de stimulation à l’ACTH.

Paramètre Résultat Unité Intervalle de référence
Analyses thyroïdiennes
T4 totale 0,8 µg/dl 1,0-4,0
T4 libre < 0,3 ng/dl 0,6-3,7
Analyses gastro-intestinales
Spec cPL 142 µg/dl 0-200
cTLI 37 µg/dl 8,5-35
Cobalamine 1 355 pmol/l 173-599
Folate 25,9 nmol/l 21,1-54
Cortisol (valeur de base)
6,5
nmol/l 25-125

 

Arbre décisionnel lors de suspicion d’hypocorticisme

Encadré 4. Arbre décisionnel lors de suspicion d’hypocorticisme. Le diagramme indique les examens diagnostiques suggérés en cas de suspicion clinique modérée ou faible d’hypocorticisme (partie de gauche). En cas de suspicion clinique modérée ou élevée pour cette maladie, un test diagnostique de confirmation sera effectué (partie de droite). Pour que le test soit correctement interprété, tout traitement susceptible d’interférer avec les résultats (tel qu’une corticothérapie – même topique – ou l’administration d’antifongiques azolés) doit être interrompu 4 semaines avant le test. Chez la plupart des chiens présentant un hypocorticisme, le cortisol sérique basal et la valeur post-stimulation à l’ACTH sont inférieures à 2 µg/dl (55 nmol/l). Le résultat est équivoque lorsque la concentration de cortisol sérique après stimulation à l’ACTH est comprise entre 2 µg/dl (55 nmol/l) et 6 µg/dl (165 nmol/l) : cela reflète une certaine réserve surrénalienne et les causes potentielles de l’inhibition surrénalienne doivent être explorées.

Arbre décisionnel pour l’évaluation approfondie de la production hormonale des glandes surrénales chez les chiens présentant un hypocorticisme atypique

Encadré 5. Arbre décisionnel pour l’évaluation approfondie de la production hormonale des glandes surrénales chez les chiens présentant un hypocorticisme atypique. Si le test de stimulation à l’ACTH confirme un diagnostic d’hypocorticisme, et en particulier si la concentration de cortisol sérique après le test à l’ACTH est < 2 µg/dl, la concentration d’ACTH endogène (eACTH) peut être mesurée pour distinguer l’hypocorticisme primaire (surrénalien) de l’hypocorticisme secondaire (central). L’absence de modification du ionogramme et la mesure de l’aldostérone sérique avant et après stimulation par l’ACTH permettent de distinguer les cas d’hypocorticisme atypique avec déficit isolé en glucocorticoïdes, des chiens présentant un déficit en minéralocorticoïdes concomitant mais compensé. Le déficit en minéralocorticoïdes est souvent considéré comme présent lors d’anomalies typiques du ionogramme (hyperkaliémie ou hyponatrémie) et n’est pas nécessairement confirmé par le dosage de l’aldostérone sérique.

Le rapport cortisol/créatinine urinaire (RCCU) a récemment fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre du diagnostic de l’hypocorticisme chez le chien. Un RCCU faible (≤ 2 lors du dosage radio-immunologique ou ≤ 10 avec un dosage immunologique en chimioluminescence) s’avère un critère très sensible et spécifique pour distinguer les chiens atteints de ceux présentant une maladie ressemblant à l’hypocorticisme 20.

Le déficit en minéralocorticoïdes sans hyperkaliémie ou hyponatrémie, qui est théoriquement surtout compensé par des mécanismes rénaux, peut être détecté en mesurant l’aldostérone sérique avant et après stimulation par l’ACTH (Encadré 6). Ce test peut uniquement aider à distinguer les cas d’hypocorticisme atypique avec déficit en glucocorticoïdes des cas où il existe un déficit en minéralo- et glucocorticoïdes mais sans modifications électrolytiques 21. Les dosages d’hormones thyroïdiennes des chiens atteints d’hypocorticisme peuvent révéler une augmentation du taux sérique de TSH et, dans certains cas, une diminution du taux de thyroxine (Encadré 3). Ces résultats ne sont pas le reflet d’une véritable hypothyroïdie car les taux se normalisent dans les semaines (jusqu’à 4 mois) qui suivent le début du traitement de l’hypocorticisme 22.

Encadré 6. Concentrations de cortisol et d’aldostérone sériques avant et après stimulation par l’ACTH chez le chien Boxer de la Figure 3. Ni la concentration sérique de cortisol ni celle d’aldostérone n’ont augmenté après la stimulation avec l’ACTH, ce qui confirme un déficit en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes (compensé) chez ce chien.

Paramètre Résultat Unité Intervalle de référence
Test de stimulation à l’ACTH (cortisol sérique)
Cortisol (valeur basale) < 2,8 nmol/l 25-125
Cortisol (post-ACTH)
< 2,8
nmol/l
> 165
Test de stimulation à l’ACTH (aldostérone sérique)
Aldostérone (valeur basale) < 20 pmol/l 0-393
Aldostérone (post-ACTH) < 20 pmol/l 82-859

 

Imagerie diagnostique

Les radiographies thoraciques et abdominales sont généralement sans intérêt chez les chiens atteints d’hypocorticisme, sauf pour évaluer la présence d’un mégaœsophage associé à l’hypocorticisme, mais elles peuvent servir à écarter d’autres hypothèses diagnostiques. L’échographie abdominale, incluant une évaluation approfondie des deux glandes surrénales, ne montre généralement rien de particulier mais un hypocorticisme peut être suspecté si le diamètre des glandes surrénales est faible (Figure 4). Dans les cas suspects, l’échographie est également recommandée pour diagnostiquer ou exclure une tumeur, une hémorragie ou un infarctus surrénaliens 1.

Image échographique de la glande surrénale gauche chez un chien atteint d’hypocorticisme

Figure 4. Image échographique de la glande surrénale gauche chez un chien atteint d’hypocorticisme. La taille de la glande surrénale est réduite (diamètre dorsoventral : 2,6 mm). En général, un hypocorticisme peut être suspecté si la dimension dorsoventrale (ou épaisseur) maximale de la glande surrénale gauche est < 2,8 mm mais le poids du chien doit également être pris en compte.
© Université A&M du Texas 

Traitement de l’hypocorticisme atypique

Initiation du traitement

Les chiens atteints d’hypocorticisme atypique sont généralement cliniquement stables et peuvent être traités en ambulatoire. Cependant, si une déshydratation est mise en évidence lors de l’examen clinique, une courte période d’hospitalisation sera justifiée pour administrer un soluté électrolytique équilibré. Un traitement symptomatique (des médicaments antiémétiques et gastroprotecteurs par exemple,) peut aussi être indiqué. L’hypoglycémie sera corrigée en administrant du glucose par voie IV (solution de dextrose) et la glycémie sera surveillée.

La prednisolone (ou prednisone) est le médicament de choix pour compenser le déficit en glucocorticoïdes endogènes 1,2,3. Les glucocorticoïdes à action rapide (c’est-à-dire la dexaméthasone, l’hydrocortisone) sont plus couramment utilisés pour pallier la déficience aigüe en glucocorticoïdes chez les chiens présentant une crise addisonienne. La predniso(lo)ne est initialement administrée pendant quelques jours à une dose anti-inflammatoire faible (0,3-0,5 mg/kg PO q12-24h) 1,2. Après cette courte phase d’induction, la dose sera progressivement réduite jusqu’à atteindre le seuil (physiologique) le plus bas possible, qui compense encore efficacement la carence en glucocorticoïdes endogènes sans provoquer d’effets indésirables manifestes, et le traitement d’entretien sera poursuivi. Trouver la dose optimale pour un chien donné demande du temps (et de la patience de la part du propriétaire) mais, en fonction de la taille et de l’âge du chien, elle se situe généralement entre 0,05 et 0,2 mg/kg PO q24h (Encadré 7). Selon le caractère et le tempérament du chien, une augmentation à court terme de la dose d’entretien de predniso(lo)ne pourra être envisagée si une période de stress est à prévoir 1,2.

Encadré 7. Recommandations pour adapter la dose de glucocorticoïdes à l’évolution des signes cliniques et à une suspicion de sous- ou de surdosage.

Effets indésirables notables des glucocorticoïdes 
→ réduction de la dose (d’environ 10 à 25 %)

Réapparition de signes cliniques (léthargie, anorexie, diarrhée) 
→ augmentation de la dose (d’environ 50 %)

 

Stress important prévu (exemples : concours d’agility, feux d’artifice pendant les vacances, chirurgie planifiée)
→ envisager d’augmenter brièvement la dose (d’environ 100 à 200 %) chez certains chiens

Un traitement de substitution des minéralocorticoïdes est indiqué dans les cas typiques d’hypocorticisme (c’est-à-dire chez les chiens présentant des modifications électrolytiques reflétant une carence concomitante en minéralocorticoïdes) mais chez les chiens présentant un hypocorticisme atypique, sa mise en œuvre dépend du statut minéralocorticoïde endogène. Si les concentrations sériques d’aldostérone sont faibles ou indétectables, les concentrations sériques en électrolytes seront étroitement surveillées. Une supplémentation en minéralocorticoïdes à faible dose (pivalate de désoxycorticostérone à la dose initiale de 1,5 mg/kg SC q25-28 j) 23 peut également être envisagée. En théorie, cela peut permettre d’alléger les mécanismes compensateurs mais un traitement substitutif à long terme avec des minéralocorticoïdes implique également une surveillance attentive du chien (électrolytes sériques, pression sanguine systémique) et peut comporter le risque d’effets indésirables 24. Chez les chiens présentant un hypocorticisme atypique mais dont la concentration basale en aldostérone (ou la concentration sérique après stimulation à l’ACTH) est normale, seul un traitement de substitution avec des glucocorticoïdes est nécessaire, tout en surveillant régulièrement les concentrations en électrolytes sériques. 

Surveillance du traitement

Les effets secondaires des glucocorticoïdes (exemples : polyurie-polydipsie, polyphagie, prise de poids, fonte musculaire, halètement, modifications de la peau et du pelage, troubles du comportement) peuvent apparaître même avec des doses très faibles de predniso(lo)ne et nécessitent de réduire la dose de 10 à 15 % environ (Encadré 7). La question de savoir si l’hydrocortisone est une bonne alternative pour compenser la carence en glucocorticoïdes chez certains chiens doit être étudiée plus avant. Chez les chiens traités pour un hypocorticisme, des signes de léthargie, de faiblesse, d’hyporexie ou d’anorexie, des vomissements et de la diarrhée peuvent indiquer que le traitement substitutif est insuffisant : la dose de glucocorticoïdes sera alors augmentée d’environ 50 % 1,2,3.

L’état des chiens atteints d’hypocorticisme atypique qui reçoivent un traitement substitutif à base de minéralocorticoïdes doit être initialement contrôlé toutes les 2 à 4 semaines (habituellement 10 à 14 jours puis 25 à 28 jours après le début de la supplémentation en pivalate de désoxycorticostérone) 23. Si les concentrations sériques en électrolytes (sodium et potassium) se situent dans les fourchettes de référence, que la pression artérielle systémique est normale et que la dose de désoxycorticostérone n’a pas été récemment modifiée, la surveillance du traitement sera poursuivie tous les 1 à 3 mois (selon que le propriétaire peut ou non faire lui-même les injections de minéralocorticoïdes). Chez les chiens bien suivis, un contrôle sera effectué tous les 3 à 6 mois, sauf si l’injection mensuelle de désoxycorticostérone doit être effectuée à la clinique vétérinaire. Si une hypokaliémie, une hypernatrémie ou une hypertension systémique (pression artérielle systolique > 140 mmHg) sont détectées, la dose de pivalate de désoxycorticostérone sera diminuée de 10 à 20 % environ, ou le traitement sera arrêté temporairement 23. Tout effet indésirable doit être attentivement évalué chez un chien présentant un hypocorticisme. La polyurie et la polydipsie sont généralement interprétées comme des effets secondaires de la (sur)supplémentation en predniso(lo)ne mais elles peuvent aussi refléter un surdosage en minéralocorticoïdes (c’est-à-dire en désoxycorticostérone) 1,23.

Romy M. Heilmann

Chez les chiens atteint d’hypocorticisme mais dont la concentration basale en aldostérone (ou la concentration sérique après stimulation à l’ACTH) est normale, seul un traitement de substitution avec des glucocorticoïdes est nécessaire, associé à la surveillance régulière des concentrations sériques en électrolytes.

Romy M. Heilmann

Pronostic des cas d’hypocorticisme

Grâce à une supplémentation adéquate en glucocorticoïdes (et éventuellement en minéralocorticoïdes si cela s’impose), et un suivi du chien à intervalles réguliers, le pronostic à long terme de l’hypocorticisme atypique est généralement très bon (Figure 5) 1,2,25. Lors du suivi à long terme des chiens atteints d’hypocorticisme atypique qui reçoivent seulement des glucocorticoïdes, il est indispensable de repérer une éventuelle évolution vers un hypocorticisme typique (c’est-à-dire le développement d’une hyperkaliémie ou d’une hyponatrémie) 2,21. Chez ces chiens, l’auteure recommande des doser les électrolytes sériques tous les 3 à 6 mois mais des recommandations concernant le rythme de surveillance des électrolytes sériques font actuellement défaut. Il en est de même pour déterminer le moment idéal pour initier la supplémentation en minéralocorticoïdes lors de déficit en aldostérone sans aucun changement électrolytique. 

Chien Boxer présentant un hypocorticisme atypique

Figure 5. Chien Boxer présentant un hypocorticisme atypique (Figure 3) après 6 mois de traitement de substitution des glucocorticoïdes. Les taux d’électrolytes sériques sont restés stables et le chien a retrouvé une activité et une condition physique normales (SCC : 5-6/9). Les vomissements et l’hématémèse ont cessé peu après le début du traitement.
© Me Wendler, Bischofswerda, SN, Allemagne

Conclusion

Quand l’état et la qualité de vie du chien s’améliorent rapidement en réponse au traitement, les propriétaires réalisent souvent rétrospectivement que les modifications cliniques liées à l’hypocorticisme de leur animal évoluaient lentement depuis longtemps. La maladie nécessite un traitement et une surveillance à vie mais cela renforce souvent le lien entre l’animal et l’Homme. Certains propriétaires craignent pourtant le développement d’une crise addisonienne et hésitent à laisser leur chien sans surveillance. La plupart des propriétaires sont cependant très à l’aise pour traiter à domicile un chien qui présente un hypocorticisme spontané : ils savent ou apprennent vite à repérer les changements de comportement de leur chien qui motivent une consultation vétérinaire.

Nous remercions les Dr Juan Hernandez et Tristan Méric pour la relecture attentive de la version française de cet article.

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Romy M. Heilmann

Romy M. Heilmann

La professeure Heilmann est spécialiste de médecine interne pour animaux de compagnie, diplômée de l’ACVIM et de l’ECVIM, et elle s’intéresse particulièrement à la gastro-entérologie, l’hépatologie, l’immunologie clinique, la radiologie interventionnelle et l’endoscopie En savoir plus

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