Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.1 Autre scientifique

Otite chronique canine – Mieux vaut prévenir que guérir

Publié 31/05/2024

Ecrit par Gustavo Machicote Goth

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

L‘otite est un problème fréquent chez le chien qui, si l‘on n‘agit pas rapidement et de manière appropriée, peut rapidement devenir chronique. Cet article présente la meilleure façon d‘aborder ces cas.

otoscopie

Points clés

Les principaux facteurs primaires pouvant léser le conduit auditif et provoquer une otite chez le chien sont l‘atopie, la présence de corps étrangers dans l‘oreille, des réactions alimentaires indésirables et des parasites. 


Des caractéristiques anatomiques particulières, des baignades fréquentes et une production excessive de cérumen font partie des facteurs qui prédisposent à l‘apparition d‘une otite chronique.


Un examen précoce et un traitement et approprié peuvent éviter qu’une otite aiguë ne devienne un problème récurrent ou chronique.


Dans certains cas, un traitement à long terme ou une intervention chirurgicale s’imposent pour gérer l‘affection.


Introduction

Lorsqu’une affection est jugée « chronique », cela peut signifier qu‘elle évolue sur une longue période, que la guérison définitive est impossible ou que la cause sous-jacente persiste et chacune de ces définitions s‘applique à l‘otite 1. Un contrôle insuffisant de la cause primaire, un facteur perpétuant passé inaperçu ou mal résolu peuvent nuire à l’efficacité du traitement 2. Cet article passe en revue les raisons pour lesquelles l‘oreille canine est prédisposée aux otites, ainsi que les moyens de limiter le risque qu‘une otite ne devienne chronique.

Il convient d‘abord de préciser que la structure anatomique de l‘oreille elle-même favorise la dysbiose du microbiome puisqu’un intertrigo (inflammation causée par le frottement d‘une zone de peau sur une autre) peut facilement se développer. La conformation « antigravitationnelle » gêne aussi le drainage 3,4 (Figure 1). Tous les cas d‘otite ne conduisent cependant pas à une dysbiose et, dans certaines situations, l’otite est liée à une production abondante de cérumen et à des démangeaisons. Des études cytologiques montrent aussi que des agents secondaires (Figures 2 et 3) prolifèrent lorsque les défenses de l‘oreille et l’équilibre du microbiome sont perturbés 5,6. Lors d’otite, un examen cytologique doit toujours être effectué afin de confirmer le diagnostic ; le Tableau 1 donne des conseils pour l’interpréter. 

Conduit auditif avec otite purulente

Figure 1. Otite purulente avec conduit auditif sévèrement ulcéré.
© Gustavo Machicote Goth

Cytologie montrant un biofilm de Malassezia (chien)

Figure 2. Chez un chien présentant des allergies chroniques, la cytologie montre un biofilm de Malassezia (grossissement x 40).
© Gustavo Machicote Goth

Cytologie avec prolifération de coques (chien)

Figure 3. Chez un chien présentant des allergies chroniques, la cytologie montre une prolifération de coques (grossissement x 10).
© Gustavo Machicote Goth

Tableau 1. Quelques conseils pour interpréter la cytologie à partir d’un écouvillonnage

  • Les Malassezia apparaissent généralement en l’absence de cellules inflammatoires (Figure 2).
  • Les cocci induisent généralement une réponse inflammatoire neutrophile, mais dans certains cas, ils apparaissent au sein d‘une matrice cérumineuse (Figure 3).
  • Les Pseudomonas et Proteus spp. induisent normalement une réaction inflammatoire neutrophile sévère.
  • Les Corynebacteria spp. peuvent être associées à d’autres bactéries ou constituer une population unique. Ces bacilles sont toutefois moins pathogènes que Pseudomonas ou Proteus spp. et sont plus faciles à traiter avec des médicaments topiques usuels.

 

 

Quelles sont les causes d’une otite aiguë ou chronique ?

Une otite peut devenir chronique à cause de certaines erreurs commises par les vétérinaires et les plus fréquentes sont :

  • arrêt du traitement sur la seule base d‘une amélioration clinique, sans confirmation cytologique ;
  • absence d’un nettoyage approfondi malgré un traitement antibiotique adéquat ;
  • absence de traitement proactif de la cause primaire de l‘otite, ce qui favorise les récidives ;
  • antibiothérapie systémique réalisée à l’aveugle, sans avoir demandé un antibiogramme au préalable ;
  • options thérapeutiques limitées par des raisons économiques ou pratiques (coût ou durée prolongée du traitement).

Il est donc très important de rappeler les causes pouvant conduire à l‘altération de l‘homéostasie de l‘oreille, susceptibles de favoriser une inflammation aiguë. Si elles ne sont pas contrôlées efficacement, ces facteurs peuvent modifier la structure du conduit externe ou de l‘oreille moyenne, et entretenir le problème 2. Toutes les études sur les otites canines mentionnent les facteurs intrinsèques qui prédisposent les animaux atteints à présenter une otite. Ces caractéristiques sont fréquentes dans la population canine 7 et sont citées ici par ordre de fréquence décroissante  :

  • dermatite atopique ;
  • corps étrangers (fragments d‘herbe ou otolithes cérumineux) ;
  • hypersensibilité alimentaire ;
  • infestation par Otodectes cynotis (gale auriculaire) ; 
  • polypes et tumeurs du conduit auditif externe ;
  • réactions indésirables aux médicaments auriculaires topiques ;
  • maladie endocrinienne ;
  • troubles séborrhéiques primaires ;
  • modifications transitoires de l‘écosystème (dus à des soins inadéquats) ;
  • démodécie auriculaire (ou autres parasitoses moins fréquentes) ;
  • dermatophytose auriculaire.

Outre ces causes primaires, la présence de facteurs prédisposants peut contribuer à la chronicité du problème car ils favorisent les récidives et compliquent le traitement, lui faisant perdre son efficacité. Il s‘agit par exemple :

  • des baignades fréquentes ;
  • de la conformation anatomique du conduit auditif lorsqu’il est étroit, long, profond ou poilu ;
  • de la production excessive de cérumen due à des causes idiopathiques ;
  • d’un port d’oreille tombant.

Lorsque l‘otite démarre, l’augmentation de la production de cérumen et le rétrécissement du canal induit par le processus inflammatoire modifient les conditions d’environnement à l‘intérieur de l‘oreille. Cela conduit inévitablement à perturber la migration épithéliale et à provoquer une dysbiose du microbiome. Si ce problème n‘est pas résolu rapidement, ces phénomènes persistent et l‘otite devient chronique (Figure 4).

Pavillon de l’oreille avec otite chronique purulente

Figure 4. Otite chronique purulente avec hyperplasie polypoïde du pavillon de l‘oreille.
© Gustavo Machicote Goth

Les facteurs primaires cités plus haut sont à l’origine de la plupart des cas d‘otite et le fait de ne pas résoudre les problèmes peut entraîner la chronicité à cause des divers phénomènes qui se développent ensuite 8 :

  • apparition de souches bactériennes résistantes à cause d‘un traitement inadéquat ;
  • rupture du tympan à cause des enzymes sécrétées par les bactéries invasives ; 
  • perpétuation de l‘infection en raison d‘une otite moyenne non résolue ;
  • hyperplasie, fibrose, rétrécissement et calcification du conduit auditif au fil du temps (Figure 5) ;
  • accumulation de cérumen (otolithes) qui bloque la migration épithéliale et séquestre les bactéries ;
  • organisation des micro-organismes en biofilms résistants aux traitements ;
  • nettoyage auriculaire excessif ou irritant, qui favorise l‘inflammation.
Otite chronique avec sténose sévère du conduit auditif

Figure 5. Hyperplasie de l‘oreille externe avec sténose sévère du conduit, secondaire à une otite chronique.
© Gustavo Machicote Goth

Empêcher une otite aiguë de devenir chronique

Causes primaires

Le traitement le plus approprié sera plus facile à choisir si la cause primaire est identifiée.

  • Dermatite atopique : cette maladie perturbe considérablement les conditions environnementales dans l‘oreille. Le cérumen des chiens atteints devient inapte à contrôler le microbiome, non seulement parce que l‘inflammation conduit à une production secondaire excessive, mais aussi en raison d‘un déficit en défensines (des peptides de défense de l‘hôte). Éviter les poussées susceptibles de perturber le microenvironnement est crucial pour prévenir la rechute de l‘otite cérumineuse, avec ou sans dysbiose. La stratégie doit s’adapter à chaque animal, mais un traitement proactif avec des médicaments systémiques est recommandé. Il s’agira par exemple d’une injection mensuelle de lokivetmab, d’une administration quotidienne d‘oclacitinib ou de cyclosporine (à des doses d‘entretien), de corticostéroïdes en traitement alterné (deux fois par semaine par exemple), ou d’azolés antifongiques (également en traitement alterné). Un traitement topique peut également être indiqué une ou deux fois par semaine dans certains cas : corticostéroïdes, agents antiseptiques, azolés antifongiques ou agents céruménolytiques pour maintenir le conduit ouvert. Les corticostéroïdes topiques peuvent réduire l‘inflammation et les effets toxiques négatifs du cérumen en excès, ce qui permet au microbiome de jouer son rôle protecteur normal. Dans de nombreux cas, la dysbiose pourra être contrôlée sans utiliser d‘antiseptiques ni d‘antibiotiques.
  • Corps étrangers : l‘expérience clinique montre que des cas d‘otite sont liés à la présence ancienne d’un corps étranger ou d’un otolithe, ne pouvant être mis en évidence que grâce à une otoscopie sous sédation ou anesthésie générale. Un examen approfondi de l’oreille est donc fortement recommandé, afin d‘exclure une éventuelle obstruction ou de détecter la présence de cérumen en excès lié à une inflammation.
  • Réactions indésirables à des aliments : ne pas identifier un allergène alimentaire peut être un facteur primaire ou perpétuant de l’otite, responsable de la chronicité. En cas d’otite récidivante, l’approche diagnostique doit envisager cette possibilité et tester l’effet d’un régime d‘élimination.
  • Gale auriculaire : ces dernières années, la banalisation de l’utilisation des lactones macrocycliques et des isoxazolines pour lutter contre les parasites externes a fait diminuer l’incidence de l‘otacariose. Le diagnostic reste relativement simple et repose principalement sur l’observation du cérumen.
  • Polypes et tumeurs : les polypes sont surtout la conséquence d’une irritation chronique, tandis que différentes tumeurs peuvent se développer dans le conduit auditif. Leur croissance gêne la migration épithéliale et favorise une dysbiose chronique. Ces lésions peuvent être plus difficiles à diagnostiquer lorsqu‘elles touchent l‘oreille moyenne, et contribuent à l‘inflammation ou à l‘infection chronique locale.
  • Réactions indésirables à des produits topiques : l‘aggravation des signes d’otite après un traitement topique peut être un signe de réaction indésirable au médicament utilisé. Elle a alors généralement lieu peu après l‘application du produit : un érythème et une exsudation sévères apparaissent, principalement à l‘entrée du conduit.
  • Maladie endocrinienne : l‘hypothyroïdie, mais aussi l‘hyperadrénocorticisme ou des troubles de la production des hormones sexuelles, peuvent perturber la sécrétion de cérumen et favoriser la dysbiose, facilitant ensuite le développement d‘une otite de gravité variable.
  • Troubles séborrhéiques primaires : fréquents dans certaines races canines, ils peuvent modifier l‘écosystème de l‘oreille à cause de modifications qualitatives et quantitatives du cérumen (Figure 6).
  • Modifications transitoires de l‘écosystème : Chez les chiens présentant déjà des facteurs de risque d’otite, un nettoyage ou un toilettage inappropriés peuvent être des éléments déclenchant ou perpétuant l’otite. L’épilation des poils intraauriculaires, l‘utilisation excessive de produits céruménolytiques ou de cotons-tiges irritants favorisent par exemple le déséquilibre de l‘écosystème 8.
  • Démodécie auriculaire : comme pour l’otacariose, cette affection est aujourd’hui devenue rare et l’apparition de nouveaux médicaments antiparasitaires ont contribué à la rendre exceptionnelle. Des Demodex peuvent cependant être présents dans l‘oreille externe, surtout chez les chiens ayant été traités avec des produits antiparasitaires autres que les lactones macrocycliques ou les isoxazolines.
Séborrhée sévère provoquant une otite chez un chien

Figure 6. Otite chez un Cocker Spaniel, secondaire à une séborrhée sévère.
© Gustavo Machicote Goth

Facteurs prédisposants

Certaines mesures peuvent être prises pour éviter que l‘otite ne devienne chronique à cause de facteurs prédisposants 9.

  • Les baignades fréquentes : s’il est difficile de les éviter, l‘administration dans l’oreille d’un topique antiseptique ou d‘un acidifiant lorsque le chien sort de l‘eau peut aider à prévenir le développement de la dysbiose.
  • Conformations particulières : les caractéristiques anatomiques de certaines races, comme chez le Sharpeï, prédisposent aux otites. L‘expérience clinique montre que, si aucune intervention n‘est nécessaire, il est préférable de ne pas instiller de produits de nettoyage dans leurs oreilles. Lorsqu‘une cause anatomique primaire induit une inflammation aiguë, il sera cependant difficile de maintenir le conduit auditif dégagé et l’application régulière de corticostéroïdes topiques et d’agents céruménolytiques est nécessaire dans de nombreux cas.
  • Conduits auditifs poilus : il s‘agit là encore souvent d‘un problème lié à la race, comme chez le Bichon Frisé. L‘otoscopie montre que les poils sont présents jusqu‘en périphérie de la membrane tympanique. Chez ces chiens, sauf s’il est nécessaire d‘enlever les poils pour maintenir l’ouverture du conduit, il est préférable d‘éviter cette pratique lorsqu‘il existe une cause primaire d’otite, pour éviter les microtraumatismes folliculaires.
  • Conduits auditifs étroits, longs et profonds : ces caractéristiques font partie des causes contribuant le plus à la complication des otites et certaines races, comme le Berger Allemand, sont particulièrement à risque. Un conduit long favorise l‘accumulation de débris et rend leur élimination plus difficile.
  • Production excessive de cérumen : chez certaines races ou certains individus, l‘excès de cérumen est directement lié à une séborrhée généralisée dont il n‘est pas toujours facile de déterminer la cause. Des agents céruménolytiques et des corticostéroïdes topiques seront régulièrement administrés à ces chiens pour réduire la quantité de cérumen produite.
  • Oreilles tombantes : les pavillons qui recouvrent l’entrée des conduits auditifs peuvent compliquer les traitements à cause de l’humidité, du manque d’aération et de l’absence d’évacuation des débris.
Gustavo Machicote Goth

Lorsque l‘otite apparaît, les conditions du microenvironnement de l‘oreille changent... ce qui conduit inévitablement à une altération de la migration épithéliale, entraînant une dysbiose du microbiome. Si ce problème n‘est pas résolu rapidement, les changements peuvent persister et provoquer une otite chronique.

Gustavo Machicote Goth

Facteurs perpétuants

Les recommandations ci-dessus permettent d‘éviter les otites, de prévenir les récidives et d’empêcher qu’elles ne deviennent chroniques. Il est cependant important de ne pas négliger les facteurs perpétuants pouvant être à l’origine de récidives. Les trois facteurs principaux identifiés sont : la formation d’un biofilm, une otite moyenne et le rétrécissement, la fibrose et la calcification du conduit auditif.

  • Formation d’un biofilm

Les levures et certaines souches bactériennes (principalement Pseudomonas spp.) peuvent former une structure stratifiée incluant des glycoprotéines. La présence de canaux de distribution d‘air et de liquides confère au biofilm une résistance au nettoyage traditionnel et aux antibiotiques, permettant ainsi la perpétuation de l’otite (Figure 7). La bactérie anaérobie opportuniste Finegoldia magna dans le conduit auditif externe est un agent pathogène qui facilite la formation d’un biofilm de Pseudomonas 10. Il n‘est pas toujours facile d‘identifier le biofilm, mais son existence peut être suspectée en présence d’une sécrétion mucoïde sombre, collante et brillante, et d’une absence de réponse adéquate au traitement. Bien que le traitement puisse faire diminuer le biofilm, la prolifération des micro-organismes n‘est jamais totalement maîtrisée.

L‘acétylcystéine et le Tris-EDTA sont utiles pour désorganiser le biofilm : ils agissent principalement sur les liaisons soufrées qui le stabilisent. Si le tympan est intact, on peut également utiliser des nettoyants puissants tels que le péroxyde de carbamide. En cas d‘otite causée par des souches résistantes, certaines études indiquent que des agents nettoyants enzymatiques comme la lactoferrine, la lactopéroxydase et le lysozyme peuvent être efficaces. La nouvelle solution de Burow (contenant 2 % d‘acétate d‘aluminium et 0,1 % de bétaméthasone) peut être indiquée en cas d‘otite moyenne avec une infection par des souches multirésistantes 11. La vidéo-otoscopie sous anesthésie générale est une autre option : elle permet de réaliser un brossage circulaire et l’aspiration du soluté à l‘aide d‘une pompe 12.

Cytologie d’un chien montrant un biofilm de coques et de bacilles

Figure 7. Chez un chien atteint d‘une otite sévère, la cytologie montre un biofilm de coques et de bacilles (grossissement x 10).
© Gustavo Machicote Goth

  • Otite moyenne

Une otite chronique évolue fréquemment vers une otite de l‘oreille moyenne, en particulier si des bactéries gram-négatives telles que Pseudomonas spp. sont présentes 13. Les enzymes protéolytiques libérées par ces bactéries peuvent rompre le tympan, diffusant l‘infection et les substances inflammatoires dans l‘oreille moyenne. Lorsqu’un biofilm se développe à cet endroit, le pronostic est considérablement assombri, surtout s’il touche la bulle tympanique 1,14. Il est indispensable de procéder à un examen cytologique chez tous les chiens atteints d‘otite moyenne car la distinction entre coques et bacille peut orienter l’approche thérapeutique 15,16. Il est essentiel de savoir que la prolifération de Malassezia peut être un facteur perpétuant l’otite chez les chiens allergiques. Dans certains cas, le traitement s’avère très difficile, notamment à cause de la présence d’un biofilm 1,14,15,16. Dans ces conditions, bien que la culture et l‘antibiogramme soient indispensables, il n‘y a parfois pas de relation directe entre les résultats in vitro et in vivo de ces tests 1,5,9,10. expérience montre qu’en cas de rupture de la membrane tympanique, les quinolones sont les antibiotiques les plus sûrs à utiliser et elles présentent généralement un spectre d‘action large. Il est conseillé de nettoyer les oreilles tous les matins avec une solution associant le Tris-EDTA et la N-acétylcystéine. C’est en général le meilleur moyen d’éliminer les débris inflammatoires, de désorganiser le biofilm et de sensibiliser les bactéries aux antibiotiques qui seront administrés ensuite.

Une otite moyenne avec rupture de la membrane tympanique sera suspectée en présence des signes suivants : 

  • toux ou déglutition au moment du nettoyage ;
  • douleur lors de pression sur la gorge près de la bulle ;
  • formation de bulles lors du nettoyage et du rinçage de l‘oreille externe ;
  • pénétration plus profonde de la sonde dans l‘oreille présentant une rupture du tympan par rapport à l‘oreille saine ; 
  • présence de signes neurologiques (Figure 8) ;
  • otite ne répondant pas au traitement, avec opacification de la lumière de la bulle ou épaississement de sa paroi visible à la radiographie.

Les meilleures images diagnostiques seront toutefois obtenues grâce à l‘imagerie par résonance magnétique ou la tomodensitométrie 17

Chien souffrant d’une otite moyenne (syndrome de Horner)

Figure 8. Syndrome de Horner chez un chien, causé par une otite moyenne.
© Gustavo Machicote Goth

  • Altérations du conduit auditif

Lorsqu’elle atteint le derme et le cartilage de l‘oreille externe, l‘inflammation chronique du conduit auditif provoque une fibrose des tissus, avec accumulation de sels de calcium qui rigidifient la structure de manière irréversible. Dans les stades précédant la calcification, lorsque le rétrécissement est principalement dû à l‘œdème présent sous le derme du conduit, des corticostéroïdes systémiques à doses immunosuppressives peuvent être administrés pendant 15 jours pour tenter de freiner la sténose et restaurer la migration épithéliale 14. Une crème ou une lotion de mométasone à 0,1 % appliquée localement peut aussi aider à garder le conduit auditif ouvert.

Prise en charge des animaux enclins aux récidives 

Dans certaines situations, l‘équilibre de l‘écosystème de l‘oreille prédispose aux rechutes, les changements structurels sont si graves qu’ils empêchent la restauration de la migration épithéliale et il existe peu d’options pour éviter le traitement chirurgical. Un traitement préventif devient incontournable lorsque :

  • la cytologie continue à montrer une prolifération de micro-organismes en présence d’un cérumen abondant et de kératinocytes ; 
  • la lumière du conduit auditif reste étroite, rendant le nettoyage difficile ;
  • la membrane tympanique ne cicatrise pas et l’examen cytologique de l‘oreille moyenne continue à montrer la présence de micro-organismes, même si aucune cellule inflammatoire n‘est observée.

Les traitements préventifs incluent généralement des agents céruménolytiques puissants, associés à des médicaments antifongiques et à des antiseptiques pour contrôler la croissance bactérienne excessive et prévenir l’infection. Dans certains cas, les corticostéroïdes (par exemple, l‘acéponate d‘hydrocortisone) sont efficaces pour éviter la production excessive de cérumen et réduire le degré de l‘inflammation 18. Le traitement devient en revanche difficile chez certains chiens atteints d‘otite chronique ayant déjà reçu plusieurs antibiotiques et chez qui des infections fongiques finissent par se développer, telles que des aspergilloses. Des ulcérations et d‘autres signes graves sont alors présents ; un nettoyage approfondi et un traitement intensif par voie topique et systémique, avec des antifongiques tels que les azolés, sont alors nécessaires 14 (Figures 9 et 10).

Otite due à une infection par aspergillose à l’otoscopie

Figure 9. L’otoscopie montre une otite infectieuse due à une aspergillose.
© Gustavo Machicote Goth

Cytologie révélant des spores d’Aspergillus (chien)

Figure 10. La cytologie du chien de la Figure 9 mis en évidence des spores d‘Aspergillus spp. (grossissement x 10).
© Gustavo Machicote Goth

Il est parfois impossible d’obtenir la guérison dans certaines situations extrêmes : lorsque le biofilm persiste et empêche le traitement d’agir (Figures 11-13) ou lorsque la sténose du conduit auditif est si grave que les médicaments anti-inflammatoires s‘avèrent inefficaces. Quand des changements structurels irréversibles empêchent la restauration de la migration épithéliale, il n‘y a alors plus d’autre option que l’exérèse du conduit auditif et l’ostéotomie de la bulle tympanique à des fins de curetage (Figure 14) afin d‘éviter les récidives (Tableau 2). Les mesures chirurgicales ne constituent cependant pas toujours une solution définitive car les causes primaires peuvent continuer d‘agir sur des petites zones de l‘épithélium du conduit résiduel. Les propriétaires doivent comprendre que la chirurgie est toujours envisagée en dernière option, et le clinicien doit être conscient que celle-ci peut être interprétée comme un échec du traitement médical précédemment prescrit.

Chien atteint d’une otite : cytologie mettant en évidence des bacilles et des neutrophiles dégénérés

Figure 11. Chez un chien à otite, la cytologie montre des bacilles et des neutrophiles dégénérés (grossissement x 40).
© Gustavo Machicote Goth

Chien à otite : cytologie montrant des bacilles

Figure 12. Cytologie chez un chien atteint d’otite montrant des bacilles (grossissement x 10).
© Gustavo Machicote Goth

Cytologie d’un chien atteint d’une otite chronique purulente

Figure 13. Cytologie chez un chien atteint d’otite chronique purulente sévère, difficile à traiter (grossissement x 10)
© Gustavo Machicote Goth

Ostéotomie de la bulle tympanique pour le curetage: photo peropératoire

Figure 14. Photo peropératoire montrant l’ostéotomie de la bulle tympanique pour le curetage.
© Gustavo Machicote Goth

Tableau 2. Options chirurgicales pour une otite externe chronique (1,14,19,20).

Indications pour la résection de la paroi latérale :

  • Mauvaise ventilation due à un port d’oreilles tombant
  • Mauvaise ventilation due à des conduits auditifs étroits
  • Mauvaise ventilation due à des conduits auditifs très poilus
  • Otite séborrhéique non-contrôlée médicalement
  • Hyperplasie des glandes cérumineuses dans le conduit vertical
  • Fibrose du conduit vertical à cause de l’absence de réponse au traitement
  • Tumeur dans le conduit vertical

Indications pour l’ablation totale du conduit auditif et ostéotomie de la bulle :

  • Otite moyenne persistante ou réfractaire
  • Ostéomyélite de la bulle
  • Fibrose du conduit horizontal
  • Calcification du conduit horizontal
  • Tumeur dans le conduit horizontal ou dans la bulle

 

Conclusion 

Il vaut toujours mieux prévenir que guérir, surtout en cas d‘otite. Le clinicien doit connaître les causes principales de l‘otite et être capable de repérer les chiens à risque, en raison de la présence de facteurs prédisposants. Un traitement approprié et agressif, associé à des tests cytologiques minutieux, devrait permettre de limiter le risque qu‘une otite aiguë ne devienne chronique et éventuellement irréversible.

Références

  1. Hill, P. Management of chronic infection. In; Proceedings, WCVD Congress. Sydney 2020.

  2. Griffin CE. Otitis techniques to improve practice. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2006;21(3):96-105.

  3. Getty R. Anatomy of the canine. In: Sisson and Grossman’s Anatomy of Domestic Animals. Philadelphia, WB Saunders. 1996;1214-1245.

  4. Blauch B, Strafuss AC. Histologic relationship of the facial (7th) and vestibulocochlear (8th) cranial nerves within the petrous temporal bone in the dog. Am. J. Vet. Res. 1974;35:481.

  5. Ngo J. Taminiau B. Fall PA, et al. Ear canal microbiota – a comparison between healthy dogs and atopic dogs without clinical signs of otitis externa. Vet. Dermatol. 2018;29:425-e140.

  6. Boynosky NA, Stokking LB. Retrospective evaluation of canine dermatitis secondary to Corynebacterium spp. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2015;51(6):372-379.

  7. Gotthelf NL. Enfermedades del oído. In; Animales de Compañía. Buenos Aires; Intermédica. 2001;26-32.

  8. Carlotti DN. Diagnosis and medical treatment of otitis externa in dogs and cats. J. Small Anim. Pract. 1991;32(8):394-400.

  9. Bajwa J. Canine otitis externa: treatment and complications. Can. Vet. J. 2019;60(1):97-99.

  10. Apostolopoulos, N. The Canine Skin and Ear Bacterial Microbiota. Today’s Vet Pract. May/June 2023.

  11. Zalke A. Clinical efficacy of Neo Burow’s solution in six dogs with suppurative otitis media. In; Proceedings, WCVD Congress Sidney 2020.

  12. Noxon J. Canine Otitis Externa – Best Clinical Practices: Clinical Consensus Guidelines of the World Association for Veterinary Dermatology. In; Proceedings, ESVD Congress Porto 2021.

  13. Shell LG. Otitis media and otitis interna: Etiology, diagnosis, and medical management. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1988;18(4):885-899.

  14. Miller Jr. WH, Griffin CE, Campbell KL. Miscellaneous skin diseases. In Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology 7th ed. Missouri: Elsevier Mosby, 2013;708-709.

  15. Lipscomb H, de Bellis F. A diagnostic approach to canine otitis. Vet. Focus 2021;32(1).

  16. Angus JC. Otic cytology in health and disease. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2004;34:411-424.

  17. Sturges BK, Dickinson PJ, Kortz GD, et al. Clinical signs, magnetic resonance imaging features and outcome after surgical and medical treatment of otogenic intracranial infection in 11 cats and 4 dogs. J. Vet. Intern. Med. 2006;20:648-656.

  18. Niza Virbac Otology Meeting 2023. 

  19. Lanz OI, Wood BC. Surgery of the ear and pinna. Vet. Clin. Small Anim. Pract. 2004;34(2):567-599.

  20. Radlinsky MG, Masan DE. Enfermedades del oído. In; Tratado de medicina interna veterinaria. Enfermedades del perro y el gato. Ettinger SJ, Feldman EC (eds). Madrid; Elsevier España S.A.;2007;1168-1186.

Gustavo Machicote Goth

Gustavo Machicote Goth

Le docteur Machicote Goth est diplômé de l‘université de Buenos Aires En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 34.1 Publié 20/09/2024

Améliorer la communication au sein de l’équipe : des conseils pour éviter les pièges classiques

Dans cet article, l’auteure – qui exerce à la fois comme vétérinaire et comme consultante en sécurité des soins de santé – décrit comment améliorer la communication au sein d’une clinique dans l’intérêt des animaux.

par Leïla Assaghir

Numéro du magazine 34.1 Publié 17/05/2024

Prise en charge des affections cutanées grâce à la biomodulation par fluorescence

L’inquiétude suscitée par la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques a poussé les cliniciens à chercher des traitements alternatifs pour des affections telles que les pyodermites. Cet article passe en revue les possibilités offertes par l’un de ces traitements.

par Neoklis Apostolopoulos

Numéro du magazine 34.1 Publié 03/05/2024

Pyodermite canine : une approche par étapes

Nos connaissances à propos de la pyodermite canine continuent d‘évoluer ; cet article décrit la façon dont les cas devraient être pris en charge aujourd’hui.

par Jason B. Pieper

Numéro du magazine 34.1 Publié 19/04/2024

Le prurit chez le chien : causes et traitements

Cet article explique que, pour réussir à traiter le prurit chez un chien, il faut d’abord comprendre ce qui pousse l’animal à se gratter.

par Frédéric Sauvé