Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 31.2 Autre scientifique

Approche diagnostique de l’otite canine

Publié 28/10/2021

Ecrit par Hannah Lipscomb et Filippo De Bellis

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Română , Español , English et 한국어

L'otite canine constitue fréquemment un défi pour les cliniciens généralistes et, comme le décrivent Hannah Lipscomb et Filippo De Bellis, la réussite du traitement implique de prendre en compte ses multiples causes ainsi que les facteurs impliqués dans sa pathogénie.

© Shutterstock

English Cocker Spaniel Dog Vet Focus 31.2

Points clés

Lorsqu'un chien atteint d'otite est vu pour la première fois, il faut toujours procéder à une anamnèse approfondie, suivie d'un examen clinique et dermatologique, d'une otoscopie et d’un écouvillonnage auriculaire.


Il est déconseillé de faire une culture microbiologique en routine lors d'otite car elle ne permet pas de distinguer les bactéries commensales de celles qui prolifèrent et des organismes infectieux.


Les modalités d'imagerie disponibles pour examiner l'oreille incluent la radiographie, l'échographie, le scanner et l'imagerie par résonance magnétique. 


Introduction

Des otites sont régulièrement observées en clientèle vétérinaire généraliste 1 ; elles sont présentes chez environ 10 à 20 % des chiens en consultation 2. L'otite externe (OE), soit l’inflammation du conduit auditif externe (CAE), s’accompagne généralement d’une infection secondaire qui peut, avec d'autres facteurs, conduire à la rupture de la membrane tympanique (MT) et au développement d'une otite moyenne (OM). Plus de 50 % des chiens présentant une OE chronique ont une OM concomitante 3 ; sans intervention, les processus inflammatoire et infectieux se perpétueront dans l'oreille, entraînant des douleurs et des changements pathologiques irréversibles. La réussite de la prise en charge implique de tenir compte des multiples causes et facteurs impliqués dans la pathogénie de l'otite 4. Les causes peuvent être primaires (par exemple, corps étrangers, ectoparasites, allergies, endocrinopathies ou maladies à médiation immune) ou secondaires (essentiellement des infections par des bactéries Gram-positives ou négatives, et des mycoses) mais d'autres facteurs sont également importants. Il s'agit notamment des facteurs prédisposants (tels que l'obstruction, la conformation, l'environnement du conduit ou les effets des traitements topiques) et des facteurs perpétuants (tels que les changements pathologiques résultant d'une OE ou d'une OM chronique). Cet article détaille l'approche diagnostique de l'otite canine et propose aux praticiens de les guider étape par étape pour gérer les cas dès la première consultation.

Description et commémoratifs

La première fois qu'un chien souffrant d'une otite aiguë ou chronique est présenté, il est important de connaître les commémoratifs cliniques et de formuler une liste provisoire de causes primaires. La consultation commencera comme d'habitude, par une anamnèse approfondie permettant d'inclure ou d’exclure des causes potentielles, en précisant les points suivants.

De quel type de chien s’agit-il ? De nombreuses études montrent que les cockers, les caniches, le berger des Pyrénées et le labrador retriever sont prédisposés aux otites, en raison de la conformation des pavillons, du CAE et/ou d’une susceptibilité héréditaire 5. Chez les jeunes chiens, l'otite peut être causée par Otodectes cynotis, bien que cela devienne plus rare grâce aux nouveaux ectoparasiticides administrés par voie orale ou en spot-on. Chez les chiens âgés, une endocrinopathie sous-jacente est plus probable.

Qu’a remarqué le propriétaire ? Il peut avoir remarqué que le chien secoue la tête, se frotte les oreilles, ou noté un épanchement auditif et une mauvaise odeur 6.

Quand le problème est-il apparu pour la première fois ? Des secousses brusques et frénétiques de la tête orientent vers un corps étranger dans le conduit auditif 6 alors qu’une otite chronique est généralement associée à une maladie clinique ou subclinique.

L'otite est-elle unilatérale ou bilatérale ? Une otite unilatérale aiguë augmente la probabilité d'un corps étranger auriculaire ; une otite bilatérale chronique fera plus suspecter une autre cause (par exemple allergique) et peut en outre être favorisée par l'anatomie de l'oreille.

Quel est le mode de vie de l'animal ? Le chien se promène-t-il à la campagne ou nage-t-il ? L'eau piégée dans le CAE modifie l'environnement auriculaire et peut entraîner une dysbiose 6.

Le chien présente-t-il de poussées saisonnières d'otite ? Si c'est le cas, une allergie cutanée primaire, comme une dermatite atopique d'origine non alimentaire, sera fortement suspectée.

Un traitement topique antérieur a-t-il été efficace ? Sinon, cela peut indiquer une infection résistante ou une réaction indésirable à un médicament.

Examen clinique

L'étape suivante consiste à effectuer un examen clinique complet, suivi d'un examen dermatologique spécifique. Les cliniciens ont généralement des habitudes en la matière mais il est conseillé de commencer par la truffe et d’aller jusqu’à la queue, ce qui permet d’inspecter toutes les régions du corps. Lors d'otite, l'examen clinique peut permettre de poser un diagnostic provisoire d'OM, d'otite interne (OI) ou d'hypothyroïdie. Les signes cliniques d’une OM incluent la paralysie du nerf facial (par exemple : tête penchée, oreilles basses, babines pendantes et ptose) et le syndrome de Horner (par exemple : myosis, ptose, énophtalmie et protrusion de la membrane nictitante). Cliniquement, une OI entraînera une perte d’audition et des troubles vestibulaires (par exemple, tête penchée, ataxie asymétrique, inclinaison du côté affecté, nystagmus circulaire et horizontal) 78. L'hypothyroïdie, outre qu’elle modifie l'aspect de la peau et du pelage, est cliniquement associée à l'obésité, la faiblesse, la léthargie et la bradycardie 9. Toute suspicion diagnostique devra être confirmée par des examens appropriés.

L'examen dermatologique doit porter sur tout le corps : régions péri-oculaire, péribuccale, faces dorsale et ventrale du cou, aisselles, tronc (dos, ventre et flancs), régions inguinale, périanale, interdigitale (face dorsale et palmaire/plantaire), pavillons et entrée des CAE. Le praticien sera attentif à toute lésion cutanée pouvant être liée à l'otite et qui pourrait en lien avec la cause primaire. Par exemple, en plus des signes d'otite, les chiots atteints de cellulite juvénile peuvent présenter un érythème, un œdème, une exsudation, des croûtes et une alopécie sur la face et le museau 10 ; chez les chiens atteints de dermatite atopique, l’otite est souvent associée à une pododermatite et à une pyodermite superficielle. 

When dealing with otitis, it is sensible to carefully examine the ears last, as they can be painful, and dogs may subsequently develop an aversion to their ears being touched. However, even with minimal handling it is possible to collect more information simply by examining the inner aspect of the pinnae and opening to the EEC: erythematous pinnae can suggest an allergic etiology, whilst chronic cases may have thickened, hyperpigmented pinnae with excessive scaling, which may represent a cornification disorder 6. Additionally, the appearance of any aural discharge can reveal primary or secondary causes for the otitis: a dry, brown, granular discharge is seen with O. cynotis, a moist, brown discharge commonly occurs with both staphylococcal and Malassezia infections (Figure 1), and a purulent, malodourous discharge is typical of Gram-negative bacterial infection (Figure 2) 2.

Face à une otite, il est préférable de soigneusement examiner les oreilles à la fin car elles peuvent être douloureuses, rendant le toucher intolérable pour le chien. Cependant, avec une manipulation minimale, il est possible de collecter des informations en examinant simplement l’aspect de la face interne des pavillons et l’entrée du CAE : des pavillons érythémateux évoquent une cause allergique tandis que dans les cas chroniques, les pavillons pourront être épaissis, hyperpigmentés, avec une desquamation excessive pouvant être due à un trouble de la cornéogénèse 6. De plus, l'aspect d’un écoulement auriculaire peut orienter vers une cause primaire ou secondaire de l'otite : un écoulement sec, brun et granuleux est observé avec O. cynotis, un écoulement aqueux et brun se produit fréquemment lors d’infection par des staphylocoques et des Malassezia (Figure 1) et un écoulement purulent et malodorant est typique d'une infection bactérienne Gram-négative (Figure 2) 2.

Moist, brown discharge on the concave aspect of the pinna.

Figure 1. Écoulement humide et brun sur la face concave du pavillon de l'oreille, comme c’est le cas lors d’infections à staphylocoques et à Malassezia. © Filippo De Bellis

Purulent discharge on the concave aspect of the pinna, typical.

Figure 2. Écoulement purulent sur la face concave du pavillon de l'oreille, typique d'une infection à bactéries Gram-négatives. © Filippo De Bellis

Otoscopie

Si le patient le tolère et une fois l'examen à distance des pavillons terminé, l’examen otoscopique est indispensable pour évaluer le CAE et l’intégrité de la MT. Il existe trois types différents d'otoscope 1112:

1. L’otoscope fermé permet de bien visualiser le CAE et la MT ; il est conçu pour pouvoir introduire de l'air dans le conduit afin d'effectuer une tympanométrie, bien que l'accès au CAE par l’otoscope (par exemple pour effectuer une cytologie) soit limité.

2. L’otoscope ouvert visualise moins bien le CAE et la MT par rapport à l'otoscope fermé mais il permet un excellent accès au CAE. Pour cette raison, toutes les cliniques devraient disposer d'un otoscope ouvert.

3. Le vidéo otoscope permet un accès facile et une bonne visualisation du CAE et de la MT ; il est en outre possible de faire des photos et des vidéos mais le coût du matériel et les compétences requises pour bien l’utiliser peuvent poser problème.

Pour tirer un profit maximal de l'otoscopie, le praticien doit bien connaître l’aspect normal de l’appareil auditif sain. Normalement, le CAE est lisse, rose pâle et ses parois sont fines ; une MT saine est semi-transparente, concave, fine au centre et plus épaisse en périphérie. La MT est anatomiquement divisée en deux : la section dorsale (pars flaccida) est de couleur rose pâle tandis que la section ventrale (pars tensa) est gris perle (Figure 3). Un cône d'otoscope stérile de taille appropriée (conservé à température ambiante) sera utilisé pour chaque patient et pour chaque oreille. Le cône glissera doucement le long de l'incisure intertragique, la dépression molle qui sépare les cartilages du tragus et de l'antitragus à la base du pavillon de l'oreille, puis dans le CAE. Si le chien le supporte, les parties verticale et horizontale du conduit seront examinées ; à la jonction des deux sections, se trouve une crête cartilagineuse proéminente et le pavillon sera tiré vers le haut et vers l'extérieur pour redresser le conduit le plus possible 12. Le cône de l'otoscope sera alors poussé dans la partie horizontale pour faciliter sa visualisation (Figure 4). Avec de l'expérience, il est possible de repérer la présence d’un corps étranger, d’O. cynotis, d’une inflammation, d’un exsudat, d’une sténose, d’une prolifération et d’évaluer l'état de la MT 1112. Comme toutes les étapes diagnostiques réalisées jusqu'à présent, l'otoscopie aide à explorer les causes de l'otite (Tableau 1) 1112.

 

Tableau 1. Déductions directes des découvertes otoscopiques.
Découvertes otoscopiques Déductions directes
CAE érythémateux et hyperplasique  Otite aiguë
CAE fibrotique et dur Otite chronique
Érythème de la portion verticale du CAE sans écoulement 
Otite allergique : la cause primaire pourrait être une dermatite atopique d'origine alimentaire ou une dermatite d’origine non alimentaire
Érosions et ulcères du CAE avec écoulement purulent  Infection par des bactéries Gram-négatives 
Aspect pavimenteux du revêtement du CAE Hyperplasie des glandes sébacées et cérumineuses, pouvant évoluer vers une excroissance de type polype
Corps étrangers Cause primaire
Parasites externes
Cause primaire
Tumeur
Facteur prédisposant

 

L'examen otoscopique est souvent rendu difficile par l'anatomie (par exemple, des conduits auditifs poilus), la pathologie (par exemple, un écoulement excessif et une sténose) et le caractère du chien. Le cas échéant, il est préférable de réaliser l'otoscopie après tranquillisation ou anesthésie générale (AG) ; en cas de sténose, un traitement préalable avec des glucocorticoïdes par voie orale est conseillé : par exemple, 0,5-1,0 mg/kg de prednisolone SID pendant 1 à 2 semaines, en diminuant ensuite progressivement la dose 1112. L'otoscopie peut permettre de voir une anomalie de la MT (elle peut par exemple apparaître épaissie, bombée, opaque et/ou rompue) et, en cas de doute sur son intégrité, il est possible de mieux l'examiner (sous AG) en utilisant soit la palpation du conduit, soit la tympanométrie. La première option consiste à utiliser la vidéo-otoscopie pour faire passer lentement une fine sonde d'alimentation ou un cathéter urinaire le long du CAE ; dans une oreille saine, l'extrémité du tube ou du cathéter restera visible ; si l'extrémité est perdue de vue, c’est qu’elle a pénétré dans l'oreille moyenne. La tympanométrie est une technique plus complexe et rarement pratiquée ; elle consiste à introduire progressivement de l'air dans le CAE avec un otoscope fermé. Normalement, la membrane s’incurvera de manière concave ou convexe sous l’effet de l'air ; si elle reste rigide ou se bombe, une accumulation de substance dans l'oreille moyenne sera suspectée 13.

Figure 3. Image vidéo-otoscopique de la membrane tympanique normale. Observez la pars flaccida dorsale, rose clair, et la pars tensa ventrale, gris perle. © Vanessa Schmidt

Performing careful open otoscopy to allow visualization of the external ear canal.

Figure 4. La réalisation soigneuse d'une otoscopie ouverte permet de visualiser le conduit auditif externe et la membrane tympanique chez un patient vigile. © Filippo De Bellis

 

Évaluation microscopique

Après l'otoscopie, il est essentiel de faire un frottis du (des) conduit(s) auditif(s) affecté(s) pour faire un examen cytologique sur place ; cela sera effectué pour chaque patient. Le prélèvement sera réalisé simplement, en introduisant un coton-tige dans le CAE pendant quelques secondes ; cliniquement, il est généralement plus intéressant de prélever dans la portion horizontale du conduit mais cela peut être délicat à faire chez les patients vigiles. En pratique, il suffit de pousser le coton-tige jusqu'à la crête cartilagineuse et d'écouvillonner cette jonction. Le coton sera ensuite frotté sur une lame de microscope propre et étiquetée 2. Des lames séparées seront préparées pour la cytologie et la recherche d’ectoparasites (par exemple, O. cynotis et Demodex canis), surtout si le chien est jeune. Quelques gouttes d'huile minérale seront versées sur la lame de parasitologie, le prélèvement sera déposé dessus puis couvert par une lamelle. Les parasites seront mieux visualisés au microscope en utilisant un objectif de faible puissance (x 4 ou 10), une intensité lumineuse basse et un condensateur fermé. L'ensemble de la lame sera examiné méthodiquement en effectuant un mouvement de « va-et-vient » ou de « haut en bas » 2.

La lame destinée à la cytologie sur place sera colorée avec un kit commercial de Wright modifié, composé d'un fixateur et de colorants, l'éosine et l'hématoxyline. La lame sera trempée dedans environ 5 secondes, rincée et séchée. L’examen microscopique commencera en utilisant une intensité lumineuse basse, un objectif de faible puissance (x 4) et le condensateur ouvert, pour faire la mise au point sur une zone de cellules. La puissance sera ensuite augmentée jusqu'au maximum (objectif à immersion dans l'huile x 100), pour pouvoir identifier les micro-organismes et les cellules inflammatoires 214.

Normalement, peu de bactéries (par exemple, Staphylococcus spp. à coagulase négative, Staphylococcus spp. à coagulase positive et Streptococcus spp.) et de levures (principalement Malassezia pachydermatis) résident dans le CAE du chien. Lorsque le conduit est lésé ou enflammé, les bactéries et/ou les levures peuvent cependant profiter de l’opportunité pour se multiplier et potentiellement causer une infection. Un nombre moyen de micro-organismes par champ de haute puissance (objectif x 40) a été proposé dans certaines études pour distinguer la microflore normale d’une population anormalement importante ; pour les bactéries, ce nombre est ≤ 5 versus ≥ 25 ; pour les Malassezia, il est ≤ 2 versus ≥ 5 (Figure 5). De plus, et contrairement à la flore auriculaire normale, les micro-organismes qui sont le plus souvent impliqués dans les otites sont les staphylocoques à coagulase positive, les streptocoques ß-hémolytiques, les Pseudomonas spp. et les Proteus spp. 215.

Grâce à la présence de cellules inflammatoires [principalement des neutrophiles, dégénérés ou non (Figure 6)], la cytologie aide à faire la différence entre une prolifération et une infection mais il n'est pas possible d'identifier les espèces bactériennes à partir de cet examen : une culture est nécessaire pour cela. Les tests de culture et de sensibilité (C&S) ne doivent pas être utilisés de manière systématique ; ils seront réservés à certaines situations car la culture ne peut pas distinguer les bactéries résidentes de celles qui prolifèrent et sont responsables d’une infection, de sorte que l’évaluation de la sensibilité aux antibiotiques concerne tous les micro-organismes présents. L’identification de bactéries non pertinentes peut conduire à une antibiothérapie inappropriée ou à un changement inutile de traitement. Inversement, les C&S peuvent omettre de cultiver des micro-organismes importants, ce qui peut conduire à des erreurs d'interprétation et entraîner un arrêt prématuré du traitement 2. Une culture est en revanche indiquée pour les cas chroniques et médicalement insensibles d'OE, lorsque des bactéries en forme de bâtonnets sont repérées à la cytologie, ou en cas d’OM. En outre, des études ont prouvé que des micro-organismes différents peuvent causer des infections distinctes de l'oreille externe et de l'oreille moyenne ; chez les patients souffrant d'OE et d’OM, des prélèvements doivent donc être réalisés dans les deux zones, et peuvent produire deux séries de résultats avec des profils différents de sensibilité aux antibiotiques 16.

Figure 5. Un nombre élevé de Malassezia provenant d'une oreille infectée apparaît sur cette image de cytologie microscopique. © Marie-Christine Cadiergues

A microscopic image showing non-degenerate and degenerate neutrophils.

Figure 6. Image microscopique montrant des neutrophiles non dégénérés et dégénérés, ainsi qu’un amas de cocci extracellulaires. © Marie-Christine Cadiergues

Hannah Lipscomb

L'examen otoscopique peut être rendu difficile par l'anatomie, la pathologie et le tempérament du chien ; si nécessaire, il ne faut pas hésiter à réaliser l'otoscopie sous tranquillisation ou sous anesthésie générale et, en cas de sténose, la faire précéder par un traitement oral par des glucocorticoïdes.

Hannah Lipscomb

Imagerie diagnostique

L'imagerie peut permettre d’évaluer une otite de manière plus approfondie, notamment en cas d’atteinte de l'oreille moyenne. La littérature recommande d’y avoir recours lors de suspicion d'OM, d'abcès para-auriculaire, de traumatisme, de polypes nasopharyngés, de dysfonctionnement neurologique et lorsqu’un chien est incapable d'ouvrir la gueule 17. L'imagerie peut aussi aider à s’orienter vers un traitement médical ou chirurgical. Lorsque les conduits auditifs présentent des remaniements osseux irréversibles, la chirurgie sera plus indiquée 18.

La radiographie crânienne pour évaluer le CAE et l'oreille moyenne sera effectuée sous AG ; elle inclura des vues obliques gauche et droite, une vue dorso-ventrale du crâne et une vue rostro-caudale, bouche ouverte ; cette dernière est la meilleure option pour évaluer la bulle tympanique (BT). L'imagerie peut confirmer l'occlusion et les modifications osseuses du CAE, la présence de contenu à l'intérieur de la BT, et la lyse ou la prolifération de la paroi de la BT. Cependant, les lésions doivent être graves pour être détectables et des changements subtils passent facilement inaperçus 1719. La radiographie peut également être utilisée pour évaluer l’intégrité de la MT en utilisant la technique de canalographie à contraste positif. Pour cela, un produit de contraste iodé non ionique et soluble est introduit dans le CAE, qu’on laisse diffuser par gravité pendant quelques minutes avant de réaliser des radiographies bouche ouverte en vues dorso-ventrale et rostro-caudale. Si la MT est rompue, le produit de contraste sera présent dans l'oreille moyenne ; cependant, si les conduits auditifs du chien sont sténosés, le produit de contraste peut ne pas atteindre l'oreille moyenne même si la MT est lésée. Par conséquent, il faut interpréter prudemment les radiographies lorsqu'on utilise cette procédure 20.

L'échographie permet d'évaluer la BT en plaçant la sonde sur la surface ventrolatérale de chaque bulle ; de minuscules mouvements de la sonde permettent de balayer les bulles et de rechercher la présence de liquide ou d'une masse lésionnelle. Cette technique requiert cependant beaucoup d’expérience 171921.

La tomographie assistée par ordinateur (TAO, ou scanner) et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) sont des techniques d'imagerie avancées qui peuvent être utiles dans certains cas d'otite. La TAO permet de très bien visualiser les structures osseuses de l'oreille et c’est un excellent moyen diagnostique lors de sténose ou d'occlusion du CAE, et de remplissage de la BT (Figure 7). L'IRM offre une meilleure résolution pour les tissus mous et elle sera privilégiée si l'on suspecte une masse à l'intérieur ou autour de l'oreille ; l’IRM est cependant moins sensible pour examiner le cartilage auriculaire et la paroi osseuse de la MT 1719.

A transverse CT scan of a dog’s skull showing soft tissue or fluid within the right tympanic.

Figure 7. Scanner transversal du crâne d'un chien montrant des tissus mous ou du liquide dans la bulle tympanique droite, avec épaississement de la paroi de la bulle. © Royal Veterinary College

Filippo De Bellis

Un examen cytologique devrait être réalisé pour chaque chien après une otoscopie. Faire le prélèvement est rapide et facile ; cependant, il est généralement plus intéressant cliniquement de prélever dans la partie horizontale du conduit et il peut être délicat d’introduire un écouvillon dans cette section chez un patient éveillé.

Filippo De Bellis

 

Myringotomie

La MT est intacte dans environ 70 % des cas d'OM car l'oreille moyenne peut s'infecter même en l’absence d’OE, lorsque des micro-organismes migrent du pharynx via les trompes d’Eustache ou par propagation hématogène. L’Épagneul Cavalier King Charles et les races brachycéphales peuvent également présenter une OM primaire sans atteinte du CAE 22. Lorsqu’une OM est diagnostiquée mais que la MT est intacte, une myringotomie (rupture iatrogène de la MT) s’impose. Cette opération est réalisée sous AG, guidée par vidéo-otoscopie, après avoir soigneusement lavé et laissé sécher le CAE. Un cathéter urinaire 6F, coupé obliquement à 60° et attaché à une seringue de 2 mL, sera poussé dans la partie la plus ventrale (à 6-7 heures) de la MT, sous contrôle visuel direct ; 1 mL de solution saline stérile sera injecté dans l'oreille moyenne puis aspiré. L'échantillon sera transféré dans un tube stérile et centrifugé afin de préparer les échantillons pour la cytologie à la clinique et les tests C&S. Si l'oreille moyenne nécessite ultérieurement d’être traitée, le site de ponction peut être élargi avec précaution pour faciliter l'accès et faire plusieurs lavages successifs jusqu'à ce que l’OM soit propre et vide 711.

Conclusion

Pour traiter une otite chez un chien, le praticien doit suivre une approche étape par étape afin d’éviter des erreurs qui conduiraient inévitablement à l'échec du traitement. Il est important de prendre en compte les causes primaires et secondaires, ainsi que les facteurs prédisposants et perpétuants ; une démarche logique permettra d'obtenir des informations utiles qui aideront à confirmer l'état du conduit auditif externe et de l'oreille moyenne. En bref, plus l'examen est approfondi, plus le traitement à long terme a des chances de réussir.

Références

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Hannah Lipscomb

Hannah Lipscomb

Greater Manchester, Royaume-Uni En savoir plus

Filippo De Bellis

Filippo De Bellis

Dr Vétérinaire, CertVD, Dip. ECVD, MRCVS, Davies Veterinary Specialists, Hertfordshire, Royaume-Uni En savoir plus

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