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La gestion des plaies 2 – Les plaies pénétrantes chez le chien

Publié 19/04/2021

Ecrit par Bonnie Campbell

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español , English et ภาษาไทย

Les plaies pénétrantes sont souvent trompeuses ! Une perforation cutanée anodine peut cacher d’importantes lésions tissulaires provoquées par des forces mécaniques, des atteintes vasculaires, avec une inoculation de bactéries ou la présence de corps étrangers. 

La gestion des plaies – Les plaies pénétrantes chez le chien

Points clés

Face à une plaie par morsure ou par balle, penser à la face immergée de l’iceberg : des petites lésions extérieures cachent souvent d’importantes lésions profondes !


L’endoscopie permet de détecter de manière précoce des perforations oesophagiennes avant l’apparition des signes cliniques.


Les plaies pénétrantes doivent être incisées, explorées, parées et irriguées ; elles se traitent généralement mieux comme des plaies ouvertes. Les plaies qui doivent être refermées sont suturées sur un drain.


En cas de plaie pénétrante (ou de suspicion de ce type de plaie) ou d’écrasement important de l’abdomen, une laparotomie exploratrice est indiquée.


Les corps étrangers logés dans l’organisme sont préférentiellement retirés par voie chirurgicale, au bloc opératoire, chez l’animal anesthésié et correctement préparé.


 

Introduction

Les plaies pénétrantes sont souvent trompeuses ! Une perforation cutanée anodine peut cacher d’importantes lésions tissulaires provoquées par des forces mécaniques, des atteintes vasculaires, avec une inoculation de bactéries ou la présence de corps étrangers. Même si l’animal semble initialement stable, la détérioration continue des tissus lésés peut entraîner nécrose, infection, inflammation, sepsis et décès. Pour bien prendre en charge les plaies pénétrantes, il faut d’abord et avant tout avoir conscience que des petites plaies peuvent cacher d’importantes lésions.
 

 

Forces et lésions tissulaires

Une morsure de chien peut représenter une force de plus de 30 kg/cm2 1, provoquant ainsi des lésions tissulaires à la fois directes et collatérales. Quand le chien mordeur plante ses crocs dans la peau et secoue la tête, l’élasticité de la peau fait que celle-ci suit le mouvement des dents et se retrouve seulement perforée de trous. Mais sous la peau, les dents traversent une large zone de tissus moins mobiles, décollant ainsi la peau du muscle sous-jacent, déchirant des tissus mous et des structures neuro-vasculaires, créant des espaces morts, et inoculant des bactéries et des corps étrangers. Toutes ces lésions sont encore aggravées par les forces d’écrasement exercées par les prémolaires et les molaires.

Comme les morsures, les balles peuvent provoquer des lésions à la fois directes et collatérales (Figure 1), communiquant une énergie proportionnelle à leur masse et à leur vitesse (énergie cinétique = ½ x masse x vitesse2). Les tissus denses (foie, rate, os, par exemple) absorbent plus d’énergie que les tissus moins denses et plus élastiques (muscles, poumons, par exemple), ce qui explique pourquoi une balle peut briser un os cortical en plusieurs morceaux (chaque morceau devenant à son tour un nouveau projectile) alors qu’elle peut, avec la même énergie, traverser proprement un lobe pulmonaire. La cavitation – l’onde de pression créée par un projectile – fait qu’une balle peut fracturer des os, déchirer des vaisseaux, perforer l’intestin et contusionner des organes sans avoir eu aucun contact direct avec ces structures.

 

Figure 1. 

(a) Un projectile pénètre l’organisme, transportant des bactéries et des débris (en vert) provenant de la surface cutanée. Une cavité permanente (en blanc) est créée par la pénétration du projectile dans les tissus. Une cavité temporaire (en rose) est créée par l’énergie de cavitation qui se propage vers l’avant et perpendiculairement au projectile (flèche rose), lésant les tissus par compression.

(b) L’énergie de cavitation se propage suivant les trajets de moindre résistance, tels que les fascias intermusculaires (astérisques). Les tissus qui ne sont pas élastiques ou qui sont repoussés contre l’os par la cavitation peuvent se fracturer (pointillés), comme le peuvent également les tissus qui vont rebondir les uns contre les autres après dissipation de l’énergie de cavitation. Le passage du projectile crée un vide qui attire les bactéries et les débris à l’intérieur.

(c) Des tissus peuvent être lésés (neige grise, pointillés) par la cavitation sans avoir été en contact avec le projectile.

© Bonnie Campbell

L’expression « effet iceberg » peut être utilisée dans le cas de plaies par morsure ou par balle car les lésions visibles sur la peau cachent souvent des lésions profondes importantes. Dans les tissus sous-cutanés, les nécroses, hématomes, atteintes vasculaires, espaces morts, bactéries inoculées et corps étrangers stimulent des cascades locales inflammatoires, immunitaires, de coagulation et de fibrinolyse. Insuffisamment traitées, ces cascades peuvent dépasser les capacités de contrôle de l’organisme, entraînant un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) ou un sepsis (SRIS + infection) 2 3 4. Les animaux peuvent sembler stables alors même qu’ils développent un SRIS, puis décompenser de manière aiguë au bout de plusieurs jours. Le vétérinaire doit immédiatement penser à cette face cachée de l’iceberg, et être proactif pour éviter une évolution vers un SRIS.

D’autres plaies pénétrantes peuvent être provoquées par des morceaux de bois (lors de jeux de lancer de bâton, ou lorsqu’un chien s’empale sur un morceau de bois en courant dehors, par exemple) ou d’autres objets de l’environnement. La quantité d’énergie communiquée dépend de la masse et de la vitesse de l’objet ou du chien (selon celui qui est en mouvement), et l’effet iceberg s’observe du fait du traumatisme contondant associé aux objets non aérodynamiques.

Evaluation de l’animal

Les troubles engageant le pronostic vital immédiat (hémorragie, insuffisance respiratoire, par exemple) doivent être traités en premier. Les plaies thoraciques doivent être immédiatement recouvertes d’un pansement stérile au cas où elles communiqueraient avec la cavité thoracique. Enfin, un examen clinique complet doit être réalisé, avec évaluation orthopédique et neurologique, et examen de toutes les plaies. Cela peut nécessiter un rasage large ; les chiens qui ont été mordus présentent généralement des plaies à plusieurs endroits 5 6.
 
La démarche diagnostique dépend des lésions de l’animal. Un bilan hématologique et biochimique permet d’établir des valeurs initiales de référence et aussi de détecter une éventuelle atteinte organique due à la blessure elle-même, un SRIS ou un sepsis. L’augmentation des taux de lactate et de créatine kinase traduit le degré d’atteinte tissulaire. La radiographie avec incidences orthogonales, l’échographie, le scanner et l’IRM (imagerie par résonnance magnétique) peuvent aider à déterminer le trajet de la blessure pénétrante, à localiser le corps étranger, et à identifier les lésions orthopédiques et internes, bien que l’imagerie seule ne permette pas d’exclure des lésions des tissus mous, notamment des viscères 3 4 7 8. Si le nombre de balles intactes visibles à l’imagerie n’est pas cohérent avec le nombre de trous d’entrée et de sortie de balles visibles sur l’animal, il faudra rechercher des balles perdues sur d’autres images ou raser davantage pour trouver d’autres plaies.
 
Un certain nombre de structures vitales risquent d’être touchées lors de plaies pénétrantes localisées au cou 9. Une hémorragie sévère peut indiquer une lacération de l’artère carotide ou de la veine jugulaire ; si nécessaire, les deux carotides ou les deux jugulaires peuvent être ligaturées en même temps chez le chien, à condition que la circulation collatérale normale soit intacte. Une perforation trachéale doit être suspectée chez les animaux présentant des plaies cervicales associées à un emphysème sous-cutanée extrême ou un pneumomédiastin (Figure 2). L’œsophage risque également d’être perforé, mais les signes cliniques peuvent n’apparaître qu’après plusieurs jours, pendant lesquels l’eau et les aliments ingérés se seront accumulés dans les tissus cervicaux. Il est donc prudent de réaliser une œsophagoscopie en cas de plaies cervicales profondes ; la trachée peut également être évaluée par endoscopie.
Figure 2a. Border Collie de neuf ans ayant été attaqué par un autre chien. Le rasage révèle plusieurs plaies de morsure au cou (décubitus dorsal, tête à gauche).  
© Washington State University

Figure 2b. Border Collie de neuf ans ayant été attaqué par un autre chien. Les radiographies cervicales révèlent un emphysème sous-cutané sévère et un pneumomédiastin. Un trou de 1 cm de diamètre est découvert dans la trachée à la chirurgie.
© Washington State University

Figure 2c. Les radiographies thoraciques révèlent un emphysème sous-cutané sévère et un pneumomédiastin. Un trou de 1 cm de diamètre est découvert dans la trachée à la chirurgie.
© Washington State University

Traitement chirurgical

Une exploration chirurgicale est nécessaire pour bien évaluer l’étendue des traumatismes causés par une blessure pénétrante 2 3 7. En outre, le parage minutieux des tissus dévitalisés et contaminés est le seul moyen efficace de prévenir ou de traiter un SRIS ou un sepsis. Ainsi, les plaies pénétrantes doivent être incisées, explorées, parées et irriguées de manière précoce 2 3. Si les lésions s’arrêtent juste sous la peau, la chirurgie sera minime. Si les lésions s’étendent dans les tissus profonds ou si des corps étrangers ont pénétré profondément, la chirurgie pourra prévenir une morbidité considérable, voire la mortalité. 

Une large zone doit être préparée pour la chirurgie, car les trajets de pénétration peuvent dévier dans les tissus profonds. Le chirurgien doit être prêt à ouvrir l’abdomen ou le thorax si nécessaire. Les plaies d’entrée et de sortie sont incisées, le tissu sous-jacent est visualisé, le trajet de pénétration est suivi jusqu’au bout, les tissus lésés étant parés au passage (Figure 3) 2. Chez les victimes de morsure, il est souvent possible d’introduire un clamp dans une plaie et de le ressortir dans plusieurs autres en raison de l’avulsion cutanée (Figure 3a). S’il y a plusieurs plaies par morsure dans une même région, une longue incision peut être réalisée pour accéder au tissu profond sous-jacent à toutes les plaies à la fois.

Un instrument ou un tube en caoutchouc peut être introduit dans le trajet de plaie pour faciliter la dissection. Il est courant d’observer une augmentation des lésions tissulaires au fur et à mesure de la progression vers les tissus profonds (Figure 3). Les cloisons qui séparent les espaces morts doivent être disséquées et les tissus nécrotiques réséqués – même si le vétérinaire peut souhaiter en préserver – car le fait de les laisser en place entretient l’inflammation, empêche la granulation et augmente le risque d’infection. 

Les signes de nécrose incluent les anomalies de couleur et de consistance ainsi que l’absence de saignement à l’incision (à condition que l’animal ne soit pas en hypothermie ou en hypovolémie). Le tissu nécrotique sec est foncé ou noir et d’un aspect cartonné alors que le tissu nécrotique humide est jaune, gris ou blanc et visqueux. Le parage doit être poursuivi jusqu’à ce que du tissu viable soit atteint. Des recommandations pour le parage des tissus à viabilité incertaine sont présentées dans le Tableau 1.

 
Tableau 1. Recommandations pour le parage des tissus à viabilité incertaine*.
« En cas de doute, réséquer » si : « En cas de doute, laisser en place » si :
la résection est compatible avec la survie la résection est incompatible avec la survie
Et Ou
il n’y a qu’une seule occasion d’accéder et d’évaluer le tissu il y aura plusieurs occasions d’accéder et d’évaluer le tissu
Et/Ou Et
il y a plein de tissu résiduel donc il ne manquera pas le tissu sera utile pour refermer la plaie ultérieurement
Exemples : muscle lésé dans la profondeur d’une plaie ; rate, jéjunum, lobe hépatique ou lobe pulmonaire lésé(e) Exemples : seul rein fonctionnel lésé ; peau lésée sur un membre distal, où il y a peu de peau pour réparer la plaie

* Viabilité incertaine, c’est-à-dire qu’il n’est pas sûr que le tissu survivra car il présente des signes de mortification. Les tissus nécrotiques doivent toujours être réséqués.

Figure 3a. Yorkshire Terrier de quatre ans mordu au niveau du thorax crânial par un autre chien. Des clamps sont facilement passés d’une plaie de morsure à l’autre du fait des lésions des tissus mous sous-jacents. La peau située au-dessus du clamp est incisée suivant les pointillés. 
© Washington State University

Figure 3b. Yorkshire Terrier de quatre ans mordu au niveau du thorax crânial par un autre chien. Des tissus abîmés et un trajet de pénétration (sondé avec un instrument) sont présents sous l’incision. 
© Washington State University

Figure 3c. Yorkshire Terrier de quatre ans mordu au niveau du thorax crânial par un autre chien. En incisant le trajet de pénétration, d’autres tissus abîmés ainsi que plusieurs autres trajets de pénétration (cercles) sont découverts. Ces trajets sont sondés, les tissus abîmés sont parés et le site chirurgical est refermé sur un drain d’aspiration après lavage abondant. 
© Washington State University

Figure 3d. Sur cette photo d’un autre chien, un morceau de muscle abîmé est excisé avec une technique similaire.
© Washington State University

Le parage est suivi d’un lavage abondant avec une pression de 0,5 bar, qui maximise l’élimination des débris et des bactéries tout en limitant l’altération tissulaire (Figure 4). Eviter le lavage sous pression sur les organes fragiles. Le lavage des cavités abdominale et thoracique doit se faire avec du NaCl 0,9 % stérile seul, mais des solutions antiseptiques (non détergentes) peuvent être utilisées sur les tissus sous-cutanés et les muscles. Il convient alors d’utiliser une solution de chlorhexidine à 0,05 % (25 mL de chlorhexidine à 2 % + 975 mL de diluant, par exemple) ou une solution de povidone iodée à 0,1-1 % (10 mL de PI à 10 % + 990 mL de diluant pour une solution à 0,1 % ; 100 mL de PI à 10 % + 900 mL de diluant pour une solution à 1 %, par exemple).

Figure 4a. La pression de lavage voulue de 0,5 bar est préférentiellement obtenue avec une aiguille (16-22 G) montée sur une tubulure de perfusion fixée à une poche de solutés pressurisée à 300 mmHg avec une manchette gonflable 22
© Washington State University
 

Figure 4b.La pression de lavage voulue de 0,5 bar est préférentiellement obtenue avec une aiguille (16-22 G) montée sur une tubulure de perfusion fixée à une poche de solutés pressurisée à 300 mmHg avec une manchette gonflable 22
© Washington State University
 

Figure 4c. Une fois parée, la plaie du chien de la Figure 2 est maintenue ouverte avec un écarteur en anneau (en vert) pour être irriguée avec une solution de chlorhexidine à 0,05 %.
© Washington State University

La plaie débridée est laissée ouverte et traitée par cicatrisation humide 10, avec parage et lavage supplémentaires si nécessaire. La plaie est refermée quand le vétérinaire estime qu’il n’y a plus de contaminants, de tissus nécrotiques ou de tissus abîmés risquant de nécroser ultérieurement. Si une plaie doit être refermée plus tôt, un drain (de préférence avec un système d’aspiration active en circuit fermé) doit être mis en place et recouvert d’un pansement 11. Les soins post-opératoires incluent également une fluidothérapie selon les besoins de l’animal, des analgésiques et une nutrition adaptée avec un aliment de convalescence pour favoriser la cicatrisation. Chez les animaux très atteints, envisager la pose d’une sonde d’alimentation au moment de l’anesthésie pour garantir une nutrition adaptée pendant la convalescence.

Un parage et un lavage moins agressifs peuvent être envisagés pour les plaies superficielles ou les plaies pénétrantes non abdominales légères 12 13. Par exemple, les lésions provoquées par une seule balle sans fragmentation qui ne traverse que de la peau et du muscle peuvent se limiter à une simple cavité, car ces tissus élastiques peuvent supporter une forte énergie de cavitation. Un corps étranger tranchant, lisse et propre produit un effet similaire.

Plaies pénétrant la cavité abdominale ou thoracique

Sans chirurgie, il peut être difficile de savoir s’il y a eu pénétration d’une cavité corporelle. Les plaies pénétrantes peuvent être sondées pour évaluer leur étendue mais comme leur trajet n’est pas toujours rectiligne, il est parfois impossible de les sonder jusqu’au bout. Une abdomino- ou une thoracocentèse peut révéler la présence d’air, de sang, d’urine, de bile, d’ingesta ou de pus, évoquant une pénétration de la cavité, mais l’absence d’anomalie n’exclut pas cette possibilité. L’imagerie peut révéler la présence d’air ou de liquide libre, d’un corps étranger ou d’anomalies tissulaires compatibles avec une pénétration d’une cavité, mais les images normales n’excluent pas une atteinte interne 3 4 7 8 14.
 
En cas de plaie pénétrante abdominale (ou de suspicion d’une telle plaie) ou d’écrasement important de l’abdomen, une laparotomie exploratrice est indiquée dès l’arrivée de l’animal car :
 
  • Il y a un risque élevé de lésions intestinales.
  • Une perforation intestinale non traitée met en jeu le pronostic vital, et les signes cliniques peuvent n’apparaître qu’après développement d’une péritonite septique et d’une septicémie.
  • Des résultats d’examens normaux n’excluent pas une atteinte interne (voir ci-dessus).
  • Les intestins bougeant constamment, il n’est pas possible de déceler de manière fiable la présence de lésions uniquement en suivant le trajet de la plaie à travers la paroi abdominale.
Bien que cette laparotomie systématique puisse ne révéler aucune anomalie abdominale, le rapport bénéfice/risque est en faveur de cette chirurgie même si la pénétration n’est pas confirmée 2 5 13 15.

Les plaies pénétrantes du thorax sont incisées, parées, irriguées et explorées comme toutes les plaies ; cette procédure peut amener le chirurgien dans la cavité thoracique. Cependant, contrairement à une pénétration abdominale, l’exploration thoracique complète n’est pas systématique, car : 
 
  • Les côtes font que les objets mal alignés ont du mal à pénétrer la cavité thoracique.
  • Les poumons étant élastiques, ils sont moins vulnérables à la pénétration et aux lésions collatérales associées.
  • Les poumons ne sont pas chargés de bactéries.
Une thoracotomie exploratrice est indiquée lorsque l’hémothorax ou le pneumothorax présents ne répondent pas aux mesures de stabilisation.
 
Les plaies qui pénètrent des organes internes sont parées et irriguées. L’intestin est difficile à parer correctement en raison de son faible diamètre, et les zones altérées sont donc traitées par résection et anastomose. La lobectomie hépatique, la splénectomie et la lobectomie pulmonaire sont habituellement les meilleurs moyens de traiter les plaies pénétrant ces tissus. D’autres techniques plus complexes peuvent être nécessaires pour réséquer les tissus lésés d’organes indispensables.
 
 

Retrait des objets pénétrants

Il y a des risques à retirer un corps étranger qui a pénétré dans les tissus : des gros vaisseaux peuvent se mettre à saigner une fois que leurs trous ne sont plus bouchés par le corps étranger, des lésions tissulaires supplémentaires peuvent être causées par des saillies du corps étranger, et des fragments de corps étranger peuvent se détacher et rester en place (échardes provenant d’un bout de bois, par exemple), entre autres. Les corps étrangers sont donc préférentiellement retirés par voie chirurgicale, au bloc opératoire, l’animal ayant été anesthésié et correctement préparé. Parce qu’un corps étranger peut migrer avec les mouvements de l’animal ou la gravité, les images destinées à guider la chirurgie doivent être instantanées.
 
La présence prolongée d’éléments organiques ou inorganiques peut provoquer inflammation, infection ou fistules chroniques, et leur retrait est donc indiqué si la réaction associée entraîne des signes cliniques importants ou si des structures vitales risquent d’être mises en danger par la migration de l’objet. L’inflammation associée à des plombs de chasse ou à de la grenaille (composée à 99 % de fer) a tendance à s’autolimiter au bout de deux à huit semaines chez le chien, et il n’est donc pas forcément nécessaire de les retirer. Les plombs logés dans les tissus mous sont généralement encapsulés dans du tissu fibreux et ne présentent donc pas de risque toxique 12 16 17. Toutefois, la présence de plomb dans le tube digestif ou en contact avec le liquide cérébrospinal peut entraîner une intoxication, et la présence de plomb dans une articulation peut provoquer une synovite destructive. C’est pourquoi il vaut mieux retirer les plombs localisés dans ces régions 17 18 19.
 
Deux techniques de dissection peuvent être utilisées pour retirer un objet pénétrant. Dans la première, une incision est réalisée le long du corps étranger ou de son trajet jusqu’à ce que l’objet puisse être retiré sans résistance. Dans la seconde, le corps étranger et tout son trajet de pénétration sont retirés d’un bloc, de la même manière qu’une tumeur serait retirée avec ses marges (Figure 5). Cette technique permet d’optimiser les chances de retirer tout le matériel étranger ainsi que les tissus lésés ou contaminés associés. Une fois le corps étranger retiré avec l’une ou l’autre technique, les tissus environnants sont parés au besoin et irrigués, et le trajet de pénétration est laissé ouvert pour cicatriser tout seul ou bien refermé sur un drain 11.
 
Figure 5a. Mâle castré (croisé Border Collie) de 4 ans présenté pour une récidive de fistule, crâniale à l’épaule gauche, préalablement traitée par antibiotiques, exploration chirurgicale et drainage. Cinq mois plus tôt, le chien était opéré après s’être blessé le palais dur en jouant avec un bout de bois. Les radiographies répétées de la zone du trajet de fistule n’ont pas mis en évidence de corps étranger, mais le bout de bois, qui a dû entrer dans le cou après avoir pénétré l’oropharynx, est visible à l’IRM. 
© Washington State University
Figure 5b. Le bout de bois et son trajet de fistule sont retirés en bloc dans la région cervicale 
© Washington State University
Figure 5c. On voit le bout de bois émerger du trajet de fistule après résection.
© Washington State University

 

Utilisation d’antibiotiques

La question suivante peut se poser : les antibiotiques sont-ils indiqués pour toutes les plaies pénétrantes ? Ces plaies sont contaminées par des bactéries et des débris, et le risque d’infection augmente avec la quantité des lésions tissulaires et d’atteintes vasculaires. Si des antibiotiques sont généralement administrés lors de la chirurgie, le parage et le lavage des plaies sont essentiels pour limiter le risque que la contamination n’évolue en infection. Les antibiotiques ne remplacent pas une bonne prise en charge de la plaie 3 20! Les antibiotiques peuvent être supprimés en post-opératoire pour les plaies peu profondes et peu contaminées qui ont été converties chirurgicalement en plaies propres 3 19. Les antibiotiques sont clairement indiqués en post-opératoire en cas de lésions tissulaires extensives, de fracture ou d’articulation ouverte, de SRIS, d’immunodéficience ou d’infection avérée 1 2 19 21. Entre ces deux situations, la décision est moins tranchée et doit être adaptée à l’individu, en gardant à l’esprit qu’il faut éviter toute utilisation inutile des antibiotiques en raison des résistances bactériennes. En cas de plaies infectées, le choix de l’antibiotique repose sur les résultats des cultures aérobie et anaérobie. La culture d’un morceau de tissu prélevé profondément dans la plaie est la méthode la plus fiable, suivie par la culture de matériel purulent ; la culture d’un prélèvement de surface de la plaie est la moins intéressante du fait des contaminants de surface.

 

Conclusion

Il est important d’avoir conscience de l’effet iceberg pour pouvoir bien traiter les plaies pénétrantes. Le parage et le lavage précoces des plaies pénétrantes permettent d’éviter qu’un SRIS ou un sepsis ne se développe plusieurs jours après l’accident. Si une pénétration de la cavité abdominale ne peut être exclue, l’abdomen devra être exploré en raison du risque élevé de perforation intestinale. 

 

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Bonnie Campbell

Bonnie Campbell

Bonnie Campbell, Collège de Médecine Vétérinaire, Université de l’Etat de Washington, Etats-Unis En savoir plus

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