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La barrière cutanée et la dermatite atopique canine

Publié 28/06/2024

Ecrit par Yun-Hsia Hsiao

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

La dermatite atopique canine est de mieux en mieux connue. Cet article met l’accent sur le rôle de la barrière cutanée et la façon dont son dysfonctionnement contribue à cette affection.

Développement de la DAC

Points clés

Il est prouvé qu’une barrière cutanée défectueuse joue un rôle clé dans le développement de la dermatite atopique canine (DAC).


Le microbiote cutané du chien est un autre facteur important qui conditionne le développement éventuel de la DAC.


La DAC est susceptible de s’aggraver sous l’influence de plusieurs facteurs, dont les infections bactériennes et fongiques secondaires, l’allergie aux puces et les réactions indésirables à certains aliments.


Une approche multimodale est souvent indispensable pour contrôler la DAC à long terme, en insistant notamment sur le maintien d’une barrière cutanée saine.


Introduction 

La peau est une structure étonnante et constitue le plus grand organe du corps. Elle sert de barrière vitale entre les organes internes et l’environnement extérieur, elle protège l’individu contre les éléments étrangers et elle contribue à la santé globale. L’épiderme a évolué pour devenir une structure dynamique, dotée de capacités homéostatiques capables de faire face à des conditions extérieures changeantes. Cet article passe en revue le rôle de la barrière cutanée dans le cadre de la dermatite atopique canine (DAC) et présente la meilleure façon d’optimiser sa santé.

Anatomie de l’épiderme

La couche épidermique de la peau est constituée de plusieurs couches de cornéocytes, formant (de l’intérieur vers l’extérieur) le stratum basale, le stratum spinosum, le stratum granulosum et le stratum corneum (SC). Le cornéocyte est le produit final de la kératinisation de l’épiderme. Chez le chien, l’épiderme se renouvelle en 22 jours environ. De nouvelles cellules provenant de la couche basale migrent vers le haut pour remplacer la couche externe de cellules mortes. La cohésion des cellules est garantie par une matrice lipidique composée de cholestérol, d’acides gras libres et de céramides, qui contribuent à former des membranes lamellaires extracellulaires, riches en lipides. L’image du « mur de briques » est couramment employée pour décrire la barrière cutanée : le SC forme les briques tandis que les couches de lipides extracellulaires forment le « mortier » (Figure 1a) 1. L’intégrité du SC, et en particulier de la matrice lipidique, est essentielle au maintien du bon fonctionnement de la barrière cutanée. 

En plus des lipides intercellulaires, la partie externe du SC est couverte par différents types de molécules hydrophobes, formant une barrière protectrice contre les microbes et les allergènes. Chez l’Homme et le chien, les études relatives à la dermatite atopique (DA) ont poussé à approfondir les connaissances au sujet du fonctionnement de la surface de la peau et des lipides cutanés superficiels. L’intégrité de la barrière cutanée est compromise lorsque l’on constate une altération de la composition des lipides cutanés (acides gras libres et céramides) et que les lésions de DA perturbent la structure lamellaire (Figure 1b) 2. Bien que l’on manque encore de preuves définitives au sujet de la relation entre le dysfonctionnement de la barrière cutanée et le développement de la DAC, un défaut d’intégrité de la barrière épidermique a été associé à la présence de certains gènes, tels que ceux qui codent pour la plakophiline 2 (PKP2) et la filaggrine (FLG) 3. En médecine humaine, la perte d’eau transépidermique (TEWL) et l’hydratation de la peau servent à évaluer la qualité de la barrière cutanée, l’efficacité des traitements chez les patients atopiques et à tester les produits cosmétiques 4. En raison de leur caractère non invasif et pratique, les mesures de la TEWL et de l’hydratation de la peau sont souvent incluses dans les essais cliniques, mais ces techniques n’ont pas encore été standardisées pour être utilisées chez le chien. 

Métaphore « des briques et du mortier » du stratum corneum

Figure 1a. La métaphore « des briques et du mortier » illustre la structure du stratum corneum : les blocs solides (les couches cornées) tiennent ensemble grâce à un mortier qui remplit l’espace. La matrice lipidique de la peau contient des peptides connus pour leurs propriétés antimicrobiennes ; ils maintiennent l’équilibre de la flore normale et luttent contre les bactéries pathogènes.
© Yun-Hsia Hsiao/redessiné par Sandrine Fontègne

une barrière épidermique altérée facilite la pénétration des microbes et des allergènes dans la peau

Figure 1b. La métaphore « des briques et du mortier » sert aussi à montrer ce qui se passe lorsque la barrière épidermique est altérée : cela entraîne une réduction de la distribution des céramides, une augmentation de la perte d’eau épidermique et une diminution de l’hydratation cutanée. Une barrière lipidique défectueuse facilite la pénétration des microbes et des allergènes dans la peau.
© Yun-Hsia Hsiao/adapté de (23,24)/redessiné par Sandrine Fontègne

Microbiote cutané

La peau est colonisée par une gamme variée de micro-organismes (bactéries, Malassezia et champignons), formant ce qu’on nomme le microbiote. Ces dernières années, les progrès faits en matière de séquençage génétique ont permis d’identifier un large éventail d’organismes résidents sur la peau. Chez un même chien, le microbiote peut varier de manière significative entre les différentes régions du corps. Il est également susceptible d’être influencé par des facteurs tels que les traitements topiques, les médicaments systémiques (en particulier les antimicrobiens) et aussi les conditions environnementales.

L’exposition à un microbiote très diversifié dès le début de la vie favorise l’adaptation à des micro-organismes non-pathogènes 5. Dès 1989, la théorie hygiéniste a été avancée pour tenter d’expliquer la prévalence croissante des affections atopiques chez l’Homme. Cette théorie suggère qu’une incidence élevée d’infections infantiles pourrait contribuer à protéger l’individu contre le développement des maladies atopiques au cours de sa vie ultérieure. À la naissance, l’immunité des bébés repose surtout sur les cellules Th (T-helper cell) 2 ; selon les conditions d’exposition précoce à des microbes et à des allergènes, cette réponse peut ensuite être rapidement désactivée ou au contraire renforcée. Les cellules Th2 sont connues pour être impliquées dans les mécanismes allergiques alors que la réponse Th1 est essentiellement dirigée contre les agents pathogènes infectieux. Idéalement, un équilibre devrait être trouvé entre les réponses Th1 et Th2, et il a été observé que les nourrissons qui présentent cet équilibre sont moins susceptibles de développer une maladie atopique plus tard. Aucune étude actuelle ne confirme malheureusement la théorie hygiéniste chez les chiens atopiques, mais des recherches montrent pourtant que les chiens atopiques possèdent un microbiome cutané moins diversifié que les chiens sains, dont le microbiote est très varié 6. En outre, lorsque les chiens atteints de DAC présentent des poussées aiguës, l’équilibre de leur microbiote est temporairement rompu (dysbiose) à cause de la prolifération importante de Staphylococcus spp. Après un traitement antimicrobien, lorsque les lésions rétrocèdent, la perte d’eau transcutanée est réduite et la diversité microbienne est restaurée 7

Dermatite atopique canine 

La DAC est une maladie inflammatoire cutanée, prurigineuse, où prédominent les lymphocytes T. Son développement repose sur une pathogénie multifactorielle, reposant sur des interactions complexes entre des troubles immunitaires, des anomalies de la barrière cutanée, des prédispositions génétiques, des facteurs environnementaux et une dysbiose (Figure 2). Les facteurs environnementaux jouent probablement un rôle important dans le développement de la DAC 3 car le mode de vie du chien, en particulier pendant la croissance, influence notablement la maturation du système immunitaire. Ainsi, le fait de grandir en milieu rural, de vivre au sein d’une famille nombreuse et d’être en contact avec d’autres animaux peut réduire le risque de développer une DAC plus tard. De plus, il semble que l’infestation par Toxocara canis exercerait un effet protecteur contre Dermatophagoides farina, un acarien de la poussière de maison jouant un rôle allergénique lors de DAC 3.

Développement de la DAC: facteurs interagissant

Figure 2. Plusieurs facteurs interagissent au cours du développement de la DAC. Bien qu’elle soit considérée comme une entité pathologique unique, il est nécessaire d’employer diverses stratégies thérapeutiques pour la contrôler efficacement.
© Yun-Hsia Hsiao/redessiné par Sandrine Fontègne

Cliniquement, la DAC se caractérise surtout par du prurit, qui apparaît de manière saisonnière ou non saisonnière. Les lésions se situent généralement dans la région périoculaire, autour du museau, des aisselles, dans les régions inguinale et périanale, ainsi qu’aux extrémités (Figure 3). Les chiens atopiques présentent souvent des otites externes et des pododermatites récurrentes, qui sont fréquemment associés à des infections bactériennes secondaires ou à une prolifération de Malassezia. Le diagnostic de la DAC implique d’exclure d’autres affections cutanées prurigineuses, en particulier celles dont les symptômes ressemblent à ceux de la DAC, telles que l’infestation par les puces, l’hypersensibilité aux piqûres de puces, la gale et les réactions d’hypersensibilité alimentaire (HSA). Une fois que les ectoparasites ont été traités et que les examens diagnostiques et les tests alimentaires ont été effectués avec succès, les critères de Favrot pourront être utilisés pour établir un diagnostic clinique de DAC (Tableau 1) 8. Des tests cutanés et des dosages sérologiques d’IgE sont disponibles pour identifier les allergènes impliqués dans la DAC, mais ces tests ne seront nécessaires que si une immunothérapie spécifiquement dirigée contre ces allergènes est envisagée 9.

Tableau 1. Diagnostic de la dermatite atopique canine : les critères de Favrot. Si au moins 5 critères sont remplis, la probabilité que la DAC soit la cause du prurit est de 80 %. 

  1. Début des signes avant l’âge de 3 ans 
  2. Chien vivant principalement à l’intérieur 
  3. Prurit répondant aux glucocorticoïdes 
  4. Prurit sans lésions (sine materia) au début de la maladie
  5. Dessus des pieds atteints
  6. Pavillons auriculaires atteints 
  7. Marges de l’oreille non affectées 
  8. Pas d’atteinte de la zone dorsolombaire 
Présentation clinique des lésions de DAC : perte de poil autour des yeux

a

Présentation clinique des lésions de DAC : perte de poil sur le museau

b

Présentation clinique des lésions de DAC : perte de poil sur le ventre

c

Figure 3. Présentation clinique et répartition classique des lésions de DAC : perte de poil autour des yeux (a), du museau (b) et du ventre (c).
© Yun-Hsia Hsiao

Facteurs de complication – pyodermite

Staphylococcus pseudintermedius est une bactérie commensale de la peau du chien mais c’est aussi un agent pathogène opportuniste fréquemment identifié lors de pyodermite ou d’otite externe associées à une DAC sous-jacente ou à des HSA 10. La peau saine possède des mécanismes de défense propres pour empêcher la prolifération bactérienne, tels que les peptides antimicrobiens (PAM), les bêta-défensines (BD) et les cathélicidines (caths), situés dans les espaces extracellulaires du SC 11. Le microbiote et la barrière cutanée agissent ensemble pour maintenir l’intégrité cutanée et la défendre contre l’environnement extérieur. Les raisons contribuant à la sensibilité accrue des chiens atopiques aux infections par Staphylococcus spp. ne sont pas entièrement élucidées. Le diagnostic d’une infection cutanée bactérienne (folliculite superficielle et pyodermite) est basé sur la présentation clinique (papules, pustules ou collerettes épidermiques – Figure 4), ainsi que sur la présence de cocci intracellulaires à la cytologie. Un contrôle efficace des infections bactériennes secondaires peut être obtenu avec des traitements topiques. Les shampooings qui contribuent à maintenir une bonne hygiène de la peau et du pelage par peuvent être très bénéfiques aux chiens atteints de DAC car ils aident à maintenir la santé de la barrière cutanée. Les shampooings éliminent les allergènes présents à la surface de la peau et du pelage, évitant ainsi des irritations supplémentaires. Des études in vitro suggèrent aussi que les shampooings ou les mousses contenant des agents antiseptiques conservent une efficacité résiduelle jusqu’à 14 jours 12. Les shampooings contenant de la chlorhexidine, du péroxyde de benzoyle, du lactate d’éthyle, de la polividone iodée ou du triclosan seront donc utiles pour traiter une pyodermite superficielle 13. Ils seront réalisés 2 à 3 fois par semaine, puis seulement une fois par semaine si les lésions régressent 13. L’emploi de la mupirocine et de l’acide fusidique est également recommandé car ces agents antimicrobiens topiques risquent moins de favoriser le développement de S. pseudintermedius multirésistants (SPMR). Un traitement antimicrobien systémique ne sera envisagé que si le traitement topique s’avère inefficace, ou si la profondeur et la localisation de l’infection dépassent le champ d’application du traitement topique ; l’antibiotique sera alors choisi sur la base d’un antibiogramme. En général, le traitement doit être poursuivi pendant deux semaines après la rémission des lésions. En raison de l’émergence mondiale des SPMR, et si l’état de l’animal le permet, il est cependant fortement conseillé de privilégier les traitements topiques aux traitements antimicrobiens systémiques à répétition. 

Signes cliniques classiques d’une infection bactérienne superficielle, secondaire à une dermatite atopique : papules

a

Signes cliniques classiques d’une infection bactérienne superficielle, secondaire à une dermatite atopique : pustules

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Signes cliniques classiques d’une infection bactérienne superficielle, secondaire à une dermatite atopique : collerettes érythémateuses

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Figure 4. Les papules (a), les pustules (b) et les collerettes érythémateuses (c) sont des signes cliniques classiques d’une infection bactérienne superficielle, secondaire à une dermatite atopique.
© Yun-Hsia Hsiao

Facteurs de complication – Malassezia 

Malassezia pachydermatis est une levure lipidodépendante présente à la surface de la peau. Un excès de lipides de surface, un fonctionnement perturbé de la barrière cutanée ou une réaction immunitaire aberrante liée à la DAC peuvent favoriser la prolifération de cet agent pathogène opportuniste 14. Chez les chiots, la colonisation se produit de la même manière que pour Staphylococcus spp. : la transmission a lieu via le léchage et l’allaitement par la mère, dès les premiers stades de la vie. Lorsque les conditions sont favorables, Malassezia peut proliférer dans le SC, produisant de nombreux antigènes et allergènes 14. Ces antigènes peuvent pénétrer dans l’épiderme et, chez les chiens atopiques, cela déclenche une réponse immunitaire entraînant prurit et érythème. Malassezia se développe surtout dans les zones cutanées très humides, telles que les plis cutanés autour des oreilles, des lèvres, de l’anus, des aisselles, de la région inguinale, des griffes et des espaces interdigités. Cliniquement, l’infection se manifeste sous la forme d’un prurit et d’un érythème, accompagnés d’une mauvaise odeur ou d’un pelage gras. Il n’existe pas de méthode de référence pour faire le diagnostic d’une dermatite à Malassezia, mais celui-ci peut être fiable s’il est basé sur la cytologie cutanée et des signes cliniques compatibles. La culture, l’histopathologie et les dosages d’IgE manquent d’intérêt pour le diagnostic clinique. 

Les principales options thérapeutiques consistent à utiliser des agents antifongiques tels que les imidazoles topiques, le clotrimazole, le climbazole et le miconazole. La terbinafine et un shampooing à 2 % de chlorhexidine/2 % de miconazole peuvent être des alternatives. Bien que les ingrédients antiseptiques freinent considérablement la prolifération de Malassezia, des produits émollients huileux et des shampooings émollients contenant des agents hydratants à base de céramides ont également démontré une bonne efficacité clinique 15.

Facteurs de complications – Puces et réactions indésirables à des aliments 

L’élimination des puces et des allergènes alimentaires sont des éléments importants de la prise en charge de la DAC car cela contribue à abaisser le seuil du prurit, et donc à améliorer la qualité de vie de l’animal. Les antiparasitaires adulticides par voie orale sont indiqués pour lutter efficacement contre les puces tout au long de l’année car l’efficacité des produits topiques peut être réduite si des shampooings sont fréquemment réalisés. Les produits contenant de l’isoxazoline agissent rapidement, ils peuvent éliminer les puces dans les 24 heures suivant l’administration, et prévenir les nouvelles piqûres. 

Des réactions d’hypersensibilité alimentaires (HSA) peuvent être associées à la DAC : on estime que 9 à 50 % des chiens concernés présentent des lésions évoquant une DAC. Pour différencier une HSA d’une DAC (qui est principalement due à des allergènes environnementaux), un régime alimentaire d’élimination sera mis en place pendant 8 semaines, ne contenant que des protéines encore jamais consommées ou des protéines hydrolysées. Pour identifier les allergènes alimentaires que le chien doit éviter de consommer, des tests de provocation pourront être réalisés après la période d’éviction. Les mécanismes immunitaires impliqués lors de HSA ne sont pas entièrement élucidés mais une étude portant sur des chiens ayant montré une amélioration clinique significative avec le régime d’élimination a rapporté que 90 % d’entre eux présentaient à nouveau des signes cliniques lors des tests de provocation. Le prurit, le léchage des pattes, les frottement de la face réapparaissaient parfois quelques heures seulement après l’ingestion 16

Yun-Hsia Hsiao

Les facteurs environnementaux joueraient un rôle important dans le développement de la dermatite atopique canine. Le mode de vie du chien, en particulier pendant sa croissance, influence notablement la maturation du système immunitaire.

Yun-Hsia Hsiao

Contrôle et prise en charge de la DAC

La dermatite atopique est une maladie cutanée incurable qui nécessite généralement une prise en charge à vie adaptée à chaque cas. Un traitement existe cependant, l’immunothérapie orientée vers des allergènes spécifiques (ASIT). Elle implique d’injecter au chien des quantités croissantes d’allergènes environnementaux, préalablement identifiés par des tests cutanés et des dosages sérologiques d’IgE. L’efficacité clinique de l’ASIT est d’environ 60 % et un traitement de 9 à 12 mois peut être nécessaire avant d’observer une amélioration notable 17. L’immunothérapie par voie intralymphatique et sublinguale ont récemment été proposées comme des alternatives à la traditionnelle injection sous-cutanée ; l’induction est plus rapide et la méthode sublinguale présente l’avantage de ne nécessiter aucune aiguille 18. Il est toutefois essentiel de continuer à contrôler le prurit et les lésions cutanées jusqu’à ce que les signes cliniques de DAC soient atténués par l’ASIT et la prise en charge varie selon le stade de la maladie : intervention rapide en cas de poussée aiguë, contrôle des signes chroniques ou prévention des récidives. Comme le prurit est le principal signe clinique de DAC et qu’il est fréquemment à l’origine de lésions cutanées secondaires, le traitement visera essentiellement à faire baisser les démangeaisons. Selon l’intensité du prurit, la localisation et l’étendue des lésions, le choix se portera sur des médicaments topiques ou systémiques. Grâce à leur action rapide, les glucocorticoïdes (topiques et systémiques) et l’oclacitinib sont considérés comme les médicaments les plus efficaces pour contrôler les poussées aiguës. Les glucocorticoïdes sont cependant connus pour leurs effets indésirables potentiels : polyurie, polydipsie, polyphagie, sensibilité accrue aux infections et hyperadrénocorticisme iatrogène. L’administration de glucocorticoïdes à long terme ou à forte dose doit être surveillée de près, en passant ensuite si possible à d’autres traitements. Lorsque les lésions cutanées ont beaucoup régressé, l’oclacitinib sera efficace pour contrôler le prurit résiduel et les poussées légères, car il diminue la voie de signalisation du prurit et la production de cytokines pro-inflammatoires. Après une phase initiale de deux semaines de traitement biquotidien, les chiens présentent cependant souvent un phénomène de rebond lorsque le traitement n’est plus administré qu’une fois par jour 19. Pour éviter cela, de l’acéponate d’hydrocortisone topique peut être intégré au traitement 20

Ces traitements peuvent être considérés comme des thérapies réactives, à administrer principalement pendant les poussées en cours ou pour contrôler le prurit. Une fois l’affection cutanée maîtrisée, le traitement sera modifié et le choix se portera sur des médicaments plus ciblés, ayant moins de conséquences sur l’individu, comme la ciclosporine et le tacrolimus. La ciclosporine est un inhibiteur de la calcinurine : elle se fixe dans le cytoplasme des lymphocytes et inhibe l’activation des cellules T et ses médiateurs de régulation. Il faut néanmoins attendre 2 à 4 semaines après l’introduction de la ciclosporine pour observer une efficacité clinique. En raison de sa demi-vie prolongée, il est cependant plus facile de diminuer progressivement la fréquence des traitements par rapport à d’autres médicaments. La ciclosporine est considérée comme sûre pour une administration à long terme, bien que les chiens puissent présenter des effets indésirables transitoires initiaux, tels que des vomissements et des diarrhées. Ceux-ci disparaissent généralement spontanément sans autre traitement. Le tacrolimus en pommade ne provoque pas les effets indésirables observés avec les glucocorticoïdes topiques (par exemple, atrophie de la peau ou comédons), mais une légère irritation est observée chez certains chiens. Dans les cas bien gérés, le lokivetmab (un anticorps monoclonal qui cible l’interleukine (IL)-31, un médiateur classique du prurit chez les chiens atopiques) est recommandé en tant que traitement proactif 21. L’objectif est de faire constamment baisser le niveau d’inflammation subclinique résiduelle qui pourrait potentiellement être à l’origine de poussées soudaines. 

Pour prévenir les récidives, il est également important de restaurer directement l’efficacité de la barrière cutanée. Les suppléments d’acides gras essentiels (AGE) par voie orale ou les aliments enrichis en AGE sont indiqués depuis de nombreuses années. Il a été montré que, sur une période de 9 mois, les AGE aident à réduire le prurit et l’intensité du traitement chez les chiens atopiques 22. Il n’existe en revanche pas suffisamment de preuves en faveur des antihistaminiques et des probiotiques pour justifier leur utilisation dans le traitement de la DAC. 

Conclusion 

La dermatite atopique canine (DAC) est une maladie cutanée prurigineuse chronique, récidivante, fréquemment observée en clientèle canine. Sa pathogénie repose sur des altérations de la barrière cutanée. Son développement est associé à des gènes responsables de défauts du stratum corneum, au microbiote et à des facteurs environnementaux influençant l’équilibre immunitaire. Les stratégies thérapeutiques ont significativement progressé au cours de la dernière décennie, mais la première étape de la prise en charge d’un chien atopique repose toujours sur un diagnostic correct. Une infection bactérienne ou fongique concomitante peut compromettre l’efficacité du traitement et le traitement dépend finalement du stade et de la gravité de l’affection. Bien que la dermatite atopique soit incurable, une approche multimodale assurera une bonne qualité de vie au chien. Le maintien d’une barrière cutanée saine devrait aider à prévenir les poussées prurigineuses et l’inflammation chronique.

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Yun-Hsia Hsiao

Yun-Hsia Hsiao

La Dre Hsiao a obtenu son doctorat vétérinaire à l’Université de Chia-yi, puis a effectué un mastère en chirurgie à l’Université de Chung-Hsing à Taïwan En savoir plus