La cytologie des ganglions lymphatiques en pratique
Publié 18/10/2024
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La cytoponction des ganglions lymphatiques est couramment réalisée en clientèle généraliste mais savez-vous bien interpréter les résultats ? Cet article montre comment tirer le meilleur profit de cette procédure diagnostique simple.
Points clés
La cytoponction des ganglions lymphatiques peut être très utile au diagnostic de diverses maladies infectieuses systémiques.
Pour faire la différence entre un ganglion lymphatique réactif et un lymphome à grandes cellules à la cytologie, il faut évaluer le rapport entre le nombre de lymphocytes de petite taille et ceux de grande taille.
La cytoponction des ganglions lymphatiques est un moyen très efficace d’évaluer le grade d’une maladie métastatique, en particulier lors de carcinome.
La cytologie ganglionnaire peut aider au diagnostic des métastases, des mastocytomes et des mélanomes malins, mais le diagnostic est plus délicat lorsque les métastases sont à un stade précoce.
Introduction
La cytoponction à l’aiguille fine (CPAF) des ganglions lymphatiques est une procédure fréquemment réalisée en pratique vétérinaire et l’examen cytologique des prélèvements présente de nombreux intérêts ; il aide notamment à détecter divers processus tumoraux, inflammatoires et infectieux. Cet article nous apprend à bien interpréter l’examen cytologique des ganglions lymphatiques en pratique généraliste.
Ganglion lymphatique réactif ou lymphome
Les ganglions lymphatiques peuvent réagir à de multiples stimulations antigéniques. Sur le plan cytologique, les ganglions lymphatiques réactifs contiennent surtout des petits lymphocytes alors que le nombre de lymphocytes de taille intermédiaire à grande est plus faible (en général < 50 %). Les plasmocytes sont souvent abondants dans les ganglions lymphatiques réactifs et des cellules de Mott peuvent également être observées (Figure 1). Ce type de plasmocyte contient des inclusions cytoplasmiques discrètes, bleu clair, appelées corps de Russell 1. Des figures mitotiques peuvent également apparaître au sein des ganglions lymphatiques réactifs mais elles ne sont pas fréquentes.
Dans les cas de lymphomes à grandes cellules, les lymphocytes de taille intermédiaire à grande prédominent (> 50 %) (Figure 2) tandis que les plasmocytes, les petits lymphocytes et les neutrophiles sont peu présents. Des fragments cytoplasmiques (également connus sous le nom de corps lymphoglandulaires) peuvent être nombreux à l’arrière-plan.
Bien que la cytologie soit un outil diagnostique puissant lors de lymphome, il existe cependant des cas dans lesquels le diagnostic de certitude est plus difficile à obtenir.
- Lymphome à petites cellules : les petits lymphocytes prédominent à la fois dans les ganglions lymphatiques réactifs et lors de lymphome à petites cellules, de sorte que ces entités peuvent être difficiles ou impossibles à différencier en se basant seulement sur la cytologie. La présence de pseudopodes cytoplasmiques (Figure 3) oriente cependant vers un lymphome à petites cellules. Ces extensions cytoplasmiques allongées s’étendent à partir des lymphocytes, donnant aux cellules une forme qui évoque celle d’un miroir à main. Cette morphologie peut faire suspecter un lymphome indolent de la zone T, qui évolue lentement sur le plan clinique 2. Bien que la présence de cellules présentant ces extensions ne soit pas pathognomonique d’un lymphome à petites cellules, elle renforce fortement la suspicion ou vient étayer le diagnostic présumé. Le diagnostic définitif d’un lymphome à petites cellules implique souvent de recourir à des tests diagnostiques complémentaires, tels que la recherche du réarrangement des gènes du récepteur antigénique par PCR (PARR), la cytométrie de flux ou l’histopathologie.
- Lymphome en développement : le diagnostic est plus délicat si les ganglions lymphatiques ne sont pas encore envahis par des cellules tumorales. Dans ce cas, si l’aiguille a traversé à la fois des zones normales et tumorales du ganglion lymphatique, le prélèvement contiendra un mélange de petits lymphocytes normaux et de grands lymphocytes tumoraux. S’il s’agit d’un lymphome à grandes cellules en développement, il est encore possible de faire le diagnostic de manière fiable. Dans certains cas, les taux de lymphocytes de petite et de grande taille sont cependant à peu près équivalents et l’interprétation doit être prudente, en s’appuyant si possible sur les examens complémentaires cités auparavant.
- Ganglions lymphatiques nettement réactifs : dans certains cas, la proportion de grands lymphocytes contenus dans ces ganglions lymphatiques représente près de 50 % du total des lymphocytes. Des examens complémentaires sont là encore souvent nécessaires pour faire la différence entre un ganglion fortement réactif et un lymphome.
Ganglions lymphatiques inflammatoires
Différents processus inflammatoires peuvent se développer au sein des ganglions lymphatiques ; identifier le type d’inflammation en cours peut aider le praticien à établir la liste des diagnostics différentiels.
- Inflammation neutrophile : elle est ainsi qualifiée lorsque les neutrophiles visibles dans la ponction réalisée dans le ganglion représentent plus de 5 % de la population cellulaire (Figure 4) 3. Ce type d’inflammation non spécifique peut être observé lors de nombreux processus pathologiques différents, notamment en cas de maladies infectieuses, de maladies à médiation immunitaire, de traumatismes, de vascularite et d’affection tumorale. Lorsque les neutrophiles sont dégénérés (c’est-à-dire qu’ils contiennent un noyau dilaté et hypo-segmenté), la présence de bactéries devra être recherchée.
- Inflammation éosinophile : elle se définit par un taux d’éosinophiles supérieur à 3 % dans la population cellulaire totale du prélèvement ganglionnaire (Figure 5) 3. Ce type d’inflammation peut s’accompagner d’un faible nombre de mastocytes. Une réaction allergique, une hypersensibilité, une maladie infectieuse, une maladie à médiation immunitaire et une réaction paranéoplasique figurent parmi les causes possibles. Ce type d’inflammation est fréquent chez des chiens allergiques ou atopiques, ainsi que chez les chiens hébergeant des parasites externes ; une lymphadénomégalie généralisée légère à modérée est alors souvent présente. Certaines maladies infectieuses peuvent également être à l’origine d’une inflammation éosinophile dans les ganglions lymphatiques. De même, un mastocytome, un lymphome ou un carcinome sont des exemples d’affections tumorales qui peuvent aussi provoquer une inflammation éosinophile paranéoplasique. Il est parfois difficile de différencier une inflammation éosinophile avec présence de mastocytes d’une tumeur mastocytaire métastatique, avec inflammation éosinophile paranéoplasique. Les antécédents cliniques (le chien présente-t-il une tumeur mastocytaire ?) et l’histopathologie du ganglion lymphatique aideront à choisir entre les deux hypothèses.
- Inflammation histiocytaire/pyogranulomateuse : l’inflammation histiocytaire se caractérise par une augmentation du nombre de macrophages tandis que l’inflammation pyogranulomateuse s’accompagne d’une augmentation du nombre de neutrophiles et de macrophages, avec présence éventuelle de cellules géantes multinucléées (Figure 6). Ce type d’inflammation peut être observé dans diverses affections, notamment les infections fongiques systémiques, les maladies à médiation immunitaire, des cas d’empoisonnement au saumon, et la mycobactériose.
Lymphadénopathie infectieuse
Des bactéries peuvent être observées dans les prélèvements de ganglions lymphatiques, en association avec une infection généralisée ou locale. L’abcédation du ganglion lymphatique provoque une inflammation neutrophilique sévère, avec production de neutrophiles dégénérés. Les bactéries ne sont pas toujours visibles à la cytologie et des examens supplémentaires peuvent être nécessaires pour identifier une éventuelle infection (comme une culture bactérienne ou une coloration particulière). Des bacilles et des cocci non spécifiques peuvent être présents mais certains types de bactéries présentent des caractéristiques particulières, comme Mycobacterium spp. (bacilles non colorés), Actinomyces/Nocardia (bacilles filamenteux en chapelet) et Yersinia pestis (coccobacilles bipolaires). Repérer ces particularités à l’examen cytologique aide à identifier le type d’infection bactérienne.
Diverses maladies fongiques peuvent concerner les ganglions lymphatiques. La blastomycose, l’histoplasmose, la cryptococcose et la coccidiomycose sont toutes des infections fongiques dimorphiques qui peuvent se développer chez les animaux de compagnie. L’agent responsable est inhalé dans l’environnement et peut migrer dans diverses régions du corps, dont les ganglions lymphatiques. Comme indiqué ci-dessus, ces infections déclenchent en général une inflammation de type pyogranulomateux. À la cytologie, les quatre organismes fongiques potentiellement en cause présentent tous des caractéristiques particulières.
- Blastomyces dermatitidis : ces levures ont un diamètre de 7 à 15 µm et possèdent une paroi cellulaire réfractaire à double contour (Figure 7). Elles bourgeonnent à partir d’une large base. Ces levures peuvent être présentes dans toutes les parties du corps de l’animal, y compris la peau, les organes, les os et le liquide synovial.
- Histoplasma capsulatum : ces levures ont un diamètre de 2 à 4 µm, une forme ronde avec un mince halo clair (Figure 8). Le cytoplasme est basophile et la forme évoque parfois un croissant de lune. La réponse inflammatoire peut être suppurative, granulomateuse ou pyogranulomateuse. Les levures sont souvent présentes à l’intérieur des macrophages mais sont aussi observées dans le milieu extracellulaire.
- Cryptococcus neoformans : la taille de ces levures va de 2 à 20 µm. Elles présentent le plus souvent une « capsule » épaisse et claire, qui résulte du rétrécissement de la levure (Figure 9). Le bourgeonnement à partir d’une base étroite est fréquent. La réponse inflammatoire est généralement moins intense que lors d’autres types de maladies infectieuses car la capsule échappe au système immunitaire de l’animal.
- Coccidioides immitis : la taille de ces grandes sphérules va de 20 à 200 µm. Elles contiennent des endospores qui mesurent de 2 à 5 µm et qui sont ensuite libérés. Les organismes ne sont pas toujours visibles dans les prélèvements faits chez les animaux infectés, si bien que des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour les détecter.
La possibilité d’une infection par des Oomycètes (des moisissures aquatiques) doit également être mentionnée. Pythium insidiosum et Lagenidium spp. diffèrent des vrais champignons et présentent des hyphes ramifiés à la cytologie. Ils entraînent fréquemment une inflammation pyogranulomateuse avec des éosinophiles (Figure 10).
Tumeur métastatique des ganglions lymphatiques
Une CPAF des ganglions lymphatiques est couramment effectuée pour rechercher une maladie métastatique. Plusieurs études ont été réalisées afin d’évaluer la précision de cette méthode pour classer la tumeur : les résultats montrent une sensibilité bonne à excellente pour identifier un mastocytome, un mélanome malin et un carcinome 4,5. La détection des métastases de sarcomes par CPAF est moins fiable, probablement parce que la plupart des sarcomes présentent une faible exfoliation.
Tous les types de carcinome peuvent métastaser dans les ganglions lymphatiques. Les trois types spécifiques pouvant être observés sont : le carcinome épidermoïde, le carcinome urothélial (aussi appelé carcinome à cellules transitionnelles) et le carcinome mammaire.
Des caractéristiques morphologiques singulières sont souvent présentes en cas de carcinome épidermoïde et de carcinome urothélial métastatiques. Le carcinome épidermoïde est formé de cellules épithéliales atypiques qui sont soit organisées en amas, soit isolées (Figure 11). La maturation asynchrone du noyau et du cytoplasme, incluant une kératinisation inappropriée, aide aussi à identifier un carcinome épidermoïde. Le carcinome urothélial peut ne pas présenter de caractéristiques particulières mais la présence de corps de Melamed-Wolinska constitue un indice. Ces inclusions cytoplasmiques roses ont été signalées lors de carcinome urothélial, de carcinome mammaire et de mésothéliome (Figure 12) 6. Les tumeurs mammaires métastatiques ne possèdent généralement pas de caractéristiques particulières permettant à l’observateur de les identifier comme étant d’origine mammaire. Dans ce cas, il est essentiel de prendre en compte les antécédents cliniques et de rechercher la présence éventuelle d’une masse anormale.
Les tumeurs mastocytaires de haut grade peuvent métastaser dans les ganglions lymphatiques. Lorsque le processus métastatique est avancé, le grand nombre de mastocytes présents rend généralement le diagnostic cytologique simple (Figure 13). En revanche, lorsque la maladie métastatique est à un stade précoce, le nombre de mastocytes observables reste faible. Cela complique le diagnostic car une faible quantité de mastocytes peut normalement être présente dans les ganglions lymphatiques lors de maladie inflammatoire. Dans ces cas, le diagnostic de certitude ne sera obtenu que grâce à un examen histopathologique ou en réalisant une série de CPAF dans le ganglion lymphatique.
Les mélanomes malins métastasent souvent dans les ganglions lymphatiques locaux et distants. Les mélanocytes néoplasiques peuvent présenter des bords arrondis, polygonaux ou fusiformes. Ils contiennent souvent des granules cytoplasmiques de mélanine dont la couleur varie : jaune foncé, brune, verte, bleue ou noire. Les cellules peuvent présenter des anomalies importantes, notamment une anisocytose, une anisocaryose, une multinucléation et des nucléoles proéminents (Figure 14). Comme pour le mastocytome, un ganglion lymphatique envahi de mélanocytes néoplasiques oriente directement vers le diagnostic de maladie métastatique. Cependant, lorsqu’un faible nombre de mélanocytes est observé, il s’agit peut-être d’un ganglion lymphatique normal (Figure 15). Dans ces cas, une évaluation histopathologique ou une série de CPAF du ganglion lymphatique peuvent s’avérer nécessaires pour faire le diagnostic définitif.
De multiples sources antigéniques peuvent provoquer une réaction des ganglions lymphatiques. Sur le plan cytologique, les ganglions lymphatiques réactifs contiennent surtout des petits lymphocytes. Les lymphocytes de taille moyenne à grande sont en nombre plus faible (en général < 50 %).
Kate A. Baker
Affiliations actuelles : Pocketpathologist.com et Vethive.com (sites en ligne) ; l’auteure n’a aucun conflit d’intérêt à déclarer. |
Conclusion
La cytologie par aspiration à l’aiguille fine des ganglions lymphatiques est un outil précieux pour rechercher les causes d’une lymphadénomégalie et évaluer le grade d’un cancer chez les animaux de compagnie. L’interprétation de l’examen cytologique du ganglion lymphatique est parfois complexe mais, avec de la pratique et de bons conseils, les vétérinaires généralistes peuvent devenir compétents en la matière, tout en gardant à l’esprit que certains cas sont plus difficiles que d’autre à interpréter.
Références
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Kate A. Baker
La Dre Baker est diplômée du Collège de médecine vétérinaire de l’Université du Tennessee depuis 2012, où elle a aussi effectué un internat en animaux de compagnie En savoir plus